Darcos : resistance is futile

Petit matin de septembre, frais et légèrement humide. Lecture de la presse matinale, d’un oeil calme et posé. Balayage rapide des articles de société dans l’Organe Officiel de la Résistance au Fascisme Sarkozyque, Le Monde en ligne. Et là, paf, mouvements convulsifs, zygomatiques coincées sur Plein Gaz / Mélange Plein Riche, perte momentanée des repères conceptuels de base : je suis tombé sur une interview de Darcos.

Rappelez-vous : Darcos, c’est cet homme à la classe racée de représentant provincial en aspirateurs domestiques qui a réussi le pari à se faire passer pour Ministre de l’Education pendant plusieurs mois, avant d’être placé au mois de juin au Domaine des Peupliers, du Travail, de la Famille, de la Solidarité, de la Ville et des Relation Sociales,  le foyer d’accueil pour jeunes retraités.

Depuis, il y vit une existence sereine et méditative dans la quiétude du bruissement tranquille des feuilles de peupliers, avec parfois une petite prise de parole, pour demander un jus d’orange, un coussin pour le fauteuil de la terrasse, ou détailler la situation générale avec les différents partenaires sociaux de l’état.

C’est donc en toute décontraction, calé dans d’épaisses charentaises confortables, qu’il nous livre, au fil d’une entrevue agrémentée de camomille et de spéculos, ses profondes pensées sur la retraite, la taxe carbone, France Télécom et la nécessaire réfection des portants de la tonnelle sous laquelle il a eu la bonté de recevoir les journalistes du Monde.

Et tout de suite, on comprend pourquoi la camomille est nécessaire. Ca cogne direct. A la suite d’une innocente constatation sur la crise, paf, uppercut en pleine tronche :

Nous continuerons d’accompagner les demandeurs d’emploi avec la même détermination.

Ah oui, ça fait mal. Aucune pitié ne sera donc accordée aux chômeurs qui devront donc continuer à subir les blagues vasouillardes de Paul Employ, le dernier avatar un peu dégénéré de la famille modèle que le monde ne nous envie pas, et qui a trouvé le moyen de se foutre de ceux qui le payent et de ceux qui doivent aller le voir…

Bref. Xavier nous annonce donc, en trempant un spéculos dans sa camomille, qu’il n’y aura donc aucun relâchement dans les perversions idiotes du gouvernement pour maintenir le chômage au plus haut et distribuer l’argent n’importe comment à n’importe qui dans l’absence totale de toute volonté d’arrêter les « solutions » qui n’ont jamais fonctionné.

Mais à peine a-t-il enfourné son bout de spéculos mou qu’il nous assène un swing bien torché alors que nous venions à peine de nous remettre du précédent uppercut, en nous parlant de la taxe carbone :

Non, les Français vont vite s’apercevoir que ce n’est pas un impôt mais une contribution pour changer de comportement. Si on a aimé « Ushuaïa », il faut aimer la taxe carbone ! C’est une mesure morale, une mesure éthique.

Là, le souffle coupé, plié en deux, il faut plusieurs secondes pour assimiler la douleur et retrouver ses esprits. Apparemment, et alors que les chômeurs viennent de se prendre une bonne volée, c’est au tour des pauvres et des moins bien lotis de se faire invasivement ponctionner : on va vous changer le comportement à grand coup de contribution. Et si vous avez aimé « Ushuaïa », raison de plus pour vous pencher en avant et tousser un coup : le diamètre de ces shampoings est exactement adapté à ce qui va suivre.

ushuaia

Et puis, c’est moral, les amis. Mieux : éthique. Un petit mauvais moment à passer pour des années de bonheur éco-compatible.

On peut tout de même être heureux de la référence de Darcos. Ca aurait pû être pire. Ce sera pire. L’année prochaine, attendez-vous à un « Si on a aimé Koh-Lanta, on doit aimer l’Emprunt d’Etat : ça va vous faire revivre les grands moments de dénuement des candidats. Tous les jours. »

Souriez. Soyez heureux. Vous allez avoir besoin de vos endorphines, il n’y aura pas d’autres compensations. Surtout quand on apprend, dans la suite, qu’à l’éducation nationale, dès le 20 août, [Darcos] recevait les dates des jours de grève et seulement un mois après les revendications. Mais heureusement, maintenant, tout va mieux : la réforme … crée un climat social finalement assez apaisé et propice au dialogue.

Je ne sais pas comment, mais sous ses dehors de VRP en appareils ménagers inoffensifs, le Darcos, là, est un redoutable ninja : il a réussi à utiliser son petit bout spéculos pour éborgner l’assistance et lui enlever tout espoir de s’en sortir indemne. Déjà on peut entendre dans le calme reposant du Domaine des Peupliers les petits sanglots de ceux qui savent qu’ils vont souffrir, une tasse de camomille au doigt.

Par exemple, quand on apprend que, je cite :

Ma démarche est d’avancer sur les sujets difficiles mais en prenant le temps de la concertation.

… on sent l’attaque sournoise et instinctivement, on se protège l’entre-jambe. Et on a raison ; le sujet suivant, les retraites, donne une idée de la concertation qui est en place, avec les partenaires sociaux pour établir un bilan global de la situation et en tirer toutes les conséquences. Les chiffres sont clairs : nous avons aujourd’hui 1,8 cotisant pour un retraité, en 2010 ce sera 1,5, et 1,2 en 2050.

Vlan. La petite vaisselle vient s’éclater sur l’arcade sourcilière du journaliste qui, ébêté et déjà au sol depuis la deuxième question, a perdu le fil des événements. Consterné, il apprend ainsi qu’on perd 0.3 cotisant par retraité entre aujourd’hui et 2010 (soit, en six mois) et la même chose en … 40 ans ensuite. La décrue brutale dans la saignée est, on s’en doute, liée aux efforts titanesques que notre ministre en charentaises doit probablement réaliser en coulisse.

En attendant, le sang dégouline, mais n’élicite aucune réaction.

Le ninja pose donc une dernière salve de gestes vifs, auxquels personne n’aurait pû être préparé (et surtout pas lorsqu’on est à terre, baignant dans son sang parfum camomille / spéculos) :

  • pour l’emploi des séniors : pénalités pour les entreprises renégates. Chplaf.
  • intervention de l’état pour des retraites chapeaux. La richesse, c’est Le Mal. Vlan.
  • le forfait hospitalier : il augmente, et en plus, ça ne servira pas à renflouer les caisses. Bing.
  • et pour FT, il va y avoir de l’action de fond. Ca va réguler à mort. Paf.

Aucune issue. Chaque terrain sera conquis, chaque liberté sera cloisonnée, chaque tentative d’échapper à l’action de l’état sera étouffée. Resistance is futile.

darcosisfutile

Le coup de grâce ne se fera pas attendre. C’est un coup de talon assez magistral dans les roubignoles. Et même avec les charentaises, ce ninja réussi l’exploit de le rendre extrêmement douloureux :

Le ministre du travail ne doit pas être un imprécateur : il faut parfois mettre le monde de l’entreprise sous contrainte.

Argh. Toute la puissance du coup est dans le « parfois« . Parce que, comprenez-vous, tout ce qui a été fait, avant, ce qui va être fait, plus tard, et ce qui est en cours, c’est juste … parfois. C’est terrible, parce qu’on sent que derrière ce petit mot se cache en réalité une menace très lourde : pour le moment, c’est « parfois », mais si vous n’êtes pas sages, ce sera Tout Le Temps et alors, vous saurez que nous étions gentils.

Et d’ailleurs, il expose cette sombre prédiction explicitement dans sa dernière tirade sur la parité des les conseils d’administrations d’entreprises privées  :

Les chefs d’entreprise que j’ai rencontrés sont d’accord sur cet objectif de 40 % de femmes dans six ans. Je pense donc qu’il s’accomplira de lui-même, sans que nous soyons obligés d’imposer une contrainte dans la loi. Si nous voyons que dans trois-quatre ans, rien n’a bougé, il faudra en revanche recourir à la loi.

En clair : vous y êtes contraints.

Soit sans la loi, soit avec, mais au final, vous devrez plier.

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Commentaires15

  1. peuples

    J’ai raté cet ITW, mais ta synthèse de cet article donne l’eau à la bouche. J’ai bcp aimé ce passage:
    « il faut parfois mettre le monde de l’entreprise sous contrainte. »

    il ne manque pas de piquant, je trouve.

  2. Higgins

    H16, pouvez-vous shooter ran-tan-plan des commentaires, SVP. Il devient franchement lassant en plus du reste.
    C’est à l’étude. Momo, entendez-le vous pour dit : le prochain commentaire sera pertinent ou sera effacé et vous banni.

  3. Criticus

    il apprend ainsi qu’on perd 0.3 cotisant par retraité entre aujourd’hui et 2010 (soit, en six mois) et la même chose en … 40 ans ensuite.

    Le problème, comme lors de l’interview de Michel, c’est que le journaliste ne lui fait même pas remarquer son erreur…

  4. Criticus

    En matière scientifique, non, clairement pas. C’est pourquoi l’ESJ de Lille avait lancé une filière d’enseignement du journalisme scientifique, recrutant des candidats ayant un parcours antérieur scientifique. Mais en l’occurrence, il suffisait de bon sens élémentaire, de savoir compter, quoi…

  5. adnstep

    Pourtant, elle est très cohérente, la pensée de Darcos : « Si on a aimé « Ushuaïa », il faut aimer la taxe carbone ! C’est une mesure morale, une mesure éthique. »

    Ben oui, les enfants. Vous pouvez pas être à la fois écolos, et refuser d’en payer le prix. L’écologie, ça va tellement vous couter cher, que dans dix ans, on n’en parlera plus.

  6. adnstep

    Au fait, les Chinois se plaignent que les ricains ferment la porte au nez de leur pneus et de leurs poulets. Un petit article, h16 ?

  7. AncillaDomini

    « 40% de femmes » ? Et euh… les femmes qui accouchent, plusieurs fois (soyons fous !), et qui restent chez elles pour élever leurs enfants… on va les traîner de force au travail ?
    Parce que, les femmes, c’est encore 50% de la population, si je ne m’abuse. Ils ont donc décidé de mettre 80% des femmes au travail, avec ou sans leur avis.

    « Arbeit macht frei », hein. Vous n’êtes pas féministe ? Ne vous inquiétez pas, c’est un dérangement mental passager, maman-Etat va vous soigner !

  8. Nick De Cusa

    Ça, Woerth à la fête de l’Huma, les journalistes convaincus que que sarkozialisme = ultralibéralisme. On peut remplacer Liberté Egalité Fraternité par : Dissonance Cognitive.

  9. Bob

    > Non, les Français vont vite s’apercevoir que ce n’est pas un impôt mais une contribution pour changer de comportement.

    Mentalité de merde : oui camarade citoyen, tu es libre, libre de subir le chantage de la mafia au pouvoir car ton comportement n’est pas correct :
    – fumer c’est mal
    – utiliser ta voiture c’est mal
    – tu es riche c’est très mal
    – t’es célibataire, t’as pas d’enfants, c’est mal
    – tu manges salé et sucré, c’est mal
    – choisir ton assurance maladie, c’est mal
    – etc.

    Quel magnifique pays de la liberté la France.

  10. Hoho

    Dans la série « Si on a aimé « Ushuaïa », il faut aimer la taxe carbone », je propose également :

    « Si on a aimé « Orange mécanique », il faut aimer la politique française en matière de sécurité ! »

    « Si on a aimé « Brazil », il faut aimer la politique menée par Eric Woerth ! »

    et

    « Si on a aimé « Titanic », il faut aimer la gestion du budget de l’Etat ! »

  11. Vadrouille

    Je ne vois pas trop de quoi vous vous plaignez…
    Avant la révolution on avait un illuminé con-sanguin qui pensait détenir son pouvoir d’un ami imaginaire qui dormait dans les nuages. Après et par le biais de savants hommes qui ont toujours pensé que leur seule et unique vision du monde était meilleure que celle des autres. La france est arrivée à prendre l’habitude de croire des nains vociférant des promesses irréalisables.
    Aujourd’hui, après quelques siècles de maturation au cours desquels jamais personne ne s’est donné la peine de s’interroger sur le bien fondé du: « la liberté c’est l’état » et du « l’état c’est avant tout une poignée d’hommes »; vous vous plaignez de voir : des agents d’assurances dirigez des ministères, des journaux titrer : « l’economie à encore détruit des emplois », des écoles prestigieuses qui ne forment que des banqueroutes et des fac qui ne génèrent que des grèves, et j’en passe…

    Messieurs, il ne faut pas se plaindre. La France et son « élite » politique mérite bien leur triste sort…

    Malheureux celui qui en a conscience tel Charlie refusant de redevenir imbécile, heureux et candide comme ses compatriotes; je pense qu’on ne peut que vomir.

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