Demaerd et les Droits de l’Homme

Dès l’avènement des nouvelles technologies, Demaerd Industries, la société tentaculaire, a très vite compris l’importance des nouveaux médias et a rapidement décidé de les utiliser pour accroître son potentiel commercial. C’est pourquoi la multinationale, qui a su s’imposer par ses produits spécifiques et ses slogans simples (« Un produit vraiment pas cher ? C’est un produit Demaerd !« ) emploie maintenant des douzaines d’internautes : ils sont chargés de trouver, sur le réseau des réseau, des sociétés, des associations, des corporations dont la communication n’est pas efficace et que la plus grosse multinationale mondiale va pouvoir aider.

Cette fois-encore, c’est la filiale Demaerd Political Deep Thinking de Demaerd Corp., célèbre pour ses propositions vestimentaires, qui s’est intéressée au cas troublant de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (la FIDH). Cette dernière a réussi a produire une vidéo assez perturbante.

Pour que le lecteur se fasse une opinion, la voici :

Comme on peut le constater, le message est particulièrement ambigu et mal fichu, comme l’a développé Demaerd Political Deep Thinking dans son rapport gracieusement remis à la Fédération au cours d’un cérémonie où aucun petit four n’aura été épargné, d’autant qu’ils ne sont pas payés  par Demaerd Corp mais … par vous.

Ce rapport développe en effet les points ci-après.

Dans ce clip, on remarque que même si les personnes présentes dans le bus discutent en effet librement d’hommes et de partis politiques, aucun sujet typiquement politique n’est abordé. On parle ainsi beaucoup de forme (« ministre télégénique »), mais absolument pas de fond.

Or, le but du petit clip de propagande est de montrer que dans un monde normal, les gens devraient pouvoir émettre, justement, des opinions politiques sans risquer des réactions adverses.

Il apparaît cependant évident que ces interlocuteurs vivent dans le monde bisounours de la FIDH :

1. Le bus n’est pas totalement plein.

C’est une erreur manifeste. Car chacun sait que les bus, dans les métropoles, sont toujours dans deux positions :

  • quasi-vides, offrant ainsi au chauffeur et à une ou deux vieilles à cabas à roulettes l’occasion de cramer 40L de diesel au 100 km en écoutant la radio dégoiser ses angoissants messages de lutte contre la pollution et pour les économies d’énergie…
  • sur-bondés, permettant ainsi un contact intime, prolongé (et efficace pour la propagation de la grippe A) des voyageurs entre eux pendant la courte heure et demie que va durer le trajet de 4km dans des embouteillages monstrueux provoqués par l’aménagement sadique et répétitif de couloirs de bus mal bigornés dans les artères les plus passantes.

L’idée qu’il puisse exister des bus peu plein (mais pas vide), roulant manifestement sans problème dans les rues fluides d’une grande ville européenne ne peut être émise qu’après l’ingestion massive de champignons hallucinogènes.

2. Le bus est plein de gens jeunes et au courant des actualités.

La filiale de Demaerd Corp. ne peut qu’inciter les producteurs de cette édifiante boutade publicitaire à se rendre dans un vrai bus, aux heures de pointe.

Ils y trouveront des gens dont l’appétit de discussion (politique, médicale, financière, météorologique, ou même musicale) est généralement extrêmement ténu, non parce qu’ils n’ont pas le droit mais parce qu’en général, ils n’en ont pas envie.

Ils pourront aussi noter qu’en moyenne, lorsque deux jolies pouffes discutent, c’est plus que rarement de politique.

Ils s’apercevront ensuite que les gens qui trainent dans les bus sont, en substance, ceux qui n’ont pas eu l’occasion de prendre leur voiture particulière soit parce qu’ils sont trop jeunes, trop vieux ou trop pauvres à force de ponctions répétées de l’état pour faire fonctionner les lignes de bus, tram, train et métro déficitaires.

Autrement dit, l’image ridicule d’une brochette frétillante de jeunes cadres dynamiques discutant spontanément de people ou de politique au milieu d’un bus est tout simplement trop improbable pour retracer quelque réalité que ce soit.

3. Les opinions exprimées sont violemment édulcorées

Demaerd Political Deep Thinking propose que la FIDH refasse une nouvelle vidéo dans laquelle les opinions seraient un tantinet plus tranchées, beaucoup plus proche de ce qui pourrait se passer en réalité.

On pourrait ainsi envisager un bus parisien dans lequel un ou deux militants UMP viendraient faire de la retape, distribuer des flyers de propagande aux classes moyennes entassées dans le véhicule moite. Tout de suite, le dialogue s’installerait : certains, passablement remontés par les hausses continues et accélérées d’impôts et de taxes, s’empareraient des petits cartons pour les faire avaler à l’un des militants.

busfidh

Dans la panique, on pourrait nettement voir quelques énergumènes festifs en profiter pour carotter un ou deux téléphone portable, pendant qu’au fond, un SDF très aviné, au milieu d’une foule pourtant tenue à l’écart grâce à ses effluves corporelles, se décide à soulager son estomac sur un des fauteuils judicieusement laissé libre à côté de lui.

Les affaires seraient à peine calmées par l’irruption d’une volée de contrôleurs et de policiers lourdement armés qui, passant dans les rangs, interpelleraient une vieille dame incapable de sortir sa carte vermeil, pendant que les loustics, deux rangs plus loin, négocient la revente du portable à  la victime du vol.

Le chauffeur, de plus en plus pressé d’en finir avec son service, conduirait le bus avec la finesse et la douceur qui caractérisent les transports en communs parisiens, ponctuant chaque dépassement de taxi par un bon coup de klaxon rageur.

A la fin de la scène, l’un des deux militant UMP serait expulsé du bus à moitié nu dans un abribus normal, c’est-à-dire massivement tagué et dont la poubelle a récemment brûlé pendant que l’autre négocierait une trêve par l’achat d’une carte au NPA à un délégué syndical venu en renfort des contrôleurs pour constater les conditions de travail pénibles du chauffeur et déclarer une grève dans les 8 heurs suivantes.

Voilà, en procédant ainsi, on montrerait un vrai débat citoyen dans un bus, tel qu’il est vécu, avec ce petit côté documentaire animalier qui donne une force toute particulière à ces spots à caractère informatifs.

Demeard vous remercie de votre attention.

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Commentaires10

  1. Curieux

    Notons au passage que pour la FIDH il s’agit de droit de l’homme BLANC.
    Point de métisses, noirs, beurs. Que du blancs élevés au bio.
    Kasher ou non ? That is the (last) question..

  2. Higgins

    Je me suis fait la même remarque. Si nous étions aux USA, je dirai que c’est très WASP.

    @H16

    La remarque sur les bus est très pertinente. Ils sont soit plein, soit vide et je ne suis pas persuadé que le tracé des lignes soit toujours très rationnel. Quant aux couloirs de bus en province, j’imagine que c’est Kafka qui a présidé à leur tracé. Si un nantais lit ce blog, qu’il nous raconte le parcours festif et citoyen auquel il est convié, bien malgré lui, lorsqu’il habite au sud de la Loire et qu’il veut simplement accéder à l’île Beaulieu en voiture, pour un RV au palais de justice par exemple.

  3. pascale

    quelle rigolade!la filiale Demaerd a grand avenir dans ces temps de morosité et de faillite de …l’humour!

  4. jesrad

    Ce qui est vraiment *vraiment* dérangeant, c’est bien le fond de la discussion… Pas d’opinions tranchées émises, pas la moindre critique substantielle du régime ou des institutions. Que dalle. Consensus mou social-démocrate pour tous, avec une couche au caramel de bonsentiman tartinée par dessus.

    Le message qui ressort de cette vidéo, c’est clairement que si vous avez le droit de l’ouvrir, c’est pour vous en tenir au politiquement correct dénué de toute réflexion…

  5. vincent

    @ Higgins: bienvenue au club !

    Je reconnais toutefois au busway une qualité: c’est une connerie qui coûte presque deux fois moins cher qu’un tramway.

    d’accord, c’est une maigre consolation.

    Poursuivons: la pénétrante sud nantaise est tellement bondée le matin que le trafic se détourne en partie par des routes secondaires qui à leur tour deviennent impraticables et dangereuses, car pas prévues pour ça.

    réponse de la municipalité: « il faut plus de busways ».

    … soupir …

  6. maurice b.

    > Notons au passage que pour la FIDH il s’agit de droit de >l’homme BLANC.
    >Point de métisses, noirs, beurs. Que du blancs élevés au >bio.

    Pas seulement pour la FIDH.Est-ce que tu as déjà vu une publicité pour un futur programme immobilier de Bouygues ou un autre promoteur et (quel que soit le secteur) ?
    Quand ils font figurer des personnages sur leurs dessins qu’est-ce que tu vois ?
    La plupart du temps des blancs avec leurs blondinets de gamins .

  7. Higgins

    @vincent

    Je n’habite pas à Nantes bien que j’y sois né. Je connais assez bien cette belle ville et j’ai eu à souffrir des élucubrations de la municipalité en arrivant un matin (9h00 au péage des Sorinières) dans cette cité pour un RV professionnel à 10h00 à proximité du palais de justice. Le piège est d’autant plus sournois que toute la signalisation amène le flot de circulation dans cette impasse. Heureusement, je me flatte de connaître assez cette belle cité et j’ai pu m’en sortir sans trop de mal (je n’ai mis que 40 mn pour parcourir le trajet). Je compatis sincèrement avec tous ceux qui souffrent des décisions crétines prises en matière de circulation urbaine sur les bords de Loire.

  8. Flak

    ON S’EN FOUT DE VOS TRAJETS EN BUS !!!
    J’arrive pas a croire que vous commentez ca plutot que la nunucherie chloridrique du spot, qui fait passer un message MONGOLIEN payé avec vos sous.
    Une caricature de discussion dans une caricature de bus, pour promouvoir une caricature de message politique taillé a la mesure du MEPRIS que les medias ont pour la population qui leur paye la bouffe.

    mention speciale pour cet etron de maurice b. qui tombe toujours plus loin a cote de la plaque que les autres.

    1. Allons allons, du calme, Flak. Il est vrai que le sujet initial a un peu dévié sur les trajets en bus, mais cogner sur ce transport en commun archaïque qui pue est toujours une bonne idée.
      🙂

Les commentaires sont fermés.