Comment les syndicats ont flingué Alitalia

L’avantage des syndicalistes, dans nos sociales-démocraties, c’est leur tendance naturelle à pousser la roue des charrettes… de salariés. Et ce qui est vrai en France l’est aussi dans les pays où le syndicalisme est devenu une sinécure, comme en Italie. Prenant sans doute exemple sur la fine fleur française des défenseurs de la Veuve Subvention et de l’Orphelin Privilège, ils ont héroïquement contribué à la faillite catastrophique d’Alitalia.

Oui, j’entends déjà les vilains et les méchants s’en prendre à ces fiers soldats de la déroute, fustigeant leurs méthodes, leur attentisme ou leur immobilisme.

Eh bien non, je ne laisserai pas faire ! Car il en faut, du courage, pour flinguer plus de 12.000 postes ! Il en faut, de l’abnégation, du travail, et de l’acharnement pour être sûr qu’aucun repreneur ne pourra sauver une compagnie ! Il faut une solide dose de cynisme, d’égoïsme et un courage de sapeur fermement chevillé au corps pour contraindre une compagnie aérienne à fermer ses portes en laissant ses avions aux hangars et ses clients aux abois.

Et, force est de constater que le trajet suivi par ces syndicats ne fut pas de tout repos. Cela fait des mois, en effet, qu’ils luttent d’arrache-pied pour s’assurer une catastrophe économique, financière et industrielle digne de leur ampleur. On peut ainsi remonter à décembre 2007, et s’apercevoir que, déjà, la lutte des syndicats pour torpiller la société n’était pas gagnée d’avance : Air France proposait une alliance avec Alitalia, promettant ainsi de ne sabrer que 1500 postes.

Pas assez violent, pas assez dur, trop d’espoir qu’Alitalia s’en sorte ? On ne saura pas exactement ce qui aura motivé les syndicats, mais leur lutte devait continuer, si l’on comprend que leur but était bel et bien l’éradication totale de la compagnie. Et pour un tel but, on ne pouvait se contenter d’aménagement qui ne supprimaient que quelques centaines de postes. C’est pourquoi en mars 2008, grâce à d’habiles pressions sur le gouvernement Berlusconi, le bluff d’Air-France est rapidement dégonflé : non, la tentative honteuse d’intrusion d’un conglomérat capitaliste fraônçais dans la compagnie italienne ne pouvait fonctionner. Rapidement, quitte à en appeler au capitalisme patriotique, les syndicats forcent les méchants Français à quitter le navire.

C’est grâce à cette action vigoureuse que le 29 août de la même année, les syndicats marquent une première victoire : se déclarant insolvable, Alitalia est placée sous “administration extraordinaire”. Les jours qui vont suivre seront alors déterminant pour le déboulonnage en bonne et due forme des plans de sauvetage honteux proposés par les différentes parties en présence : les tentatives des sauveurs putatifs iront jusqu’à la bidouille à la volée de la législation nationale !


Vite, appelez les syndicats !

Les syndicats, redoublant d’efforts pour en finir une bonne fois pour toute avec cette compagnie trop résistante, rejettent heureusement et avec force le nouveau plan, le 12 septembre, qui a failli faire capoter l’écrasement en flamme de l’entreprise planifié de longue date par nos vaillants syndicalistes.

Alors que la débâcle financière touche les marchés à Wall Street et que les cours du pétrole font du yoyo, le 13 septembre, Alitalia entame enfin son chant du cygne : la compagnie annonce ne plus pouvoir payer son kérosène. Chaque minute qui passe semble rapprocher un peu plus les syndicats de cette faillite tant attendue, mais, même au moment où les repreneurs retirent leur offre, rien ne semble totalement gagné : l’injection massive de fonds en provenance des poches des contribuables italiens n’est pas à exclure… Et là, tout le minutieux travail de sape des syndicats serait à refaire.

Depuis, la tension monte. On sent, à la moiteur des mains des syndicalistes, que la ruine complète de la société n’est pas encore gagnée et qu’il existe encore un risque infime qu’un repreneur fasse une proposition dans les 4 jours qui restent avant un dépôt de bilan fracassant qui signerait enfin, en fanfare et avec une joie bien compréhensible, la fin d’une aventure et d’un effort colossal des entités syndicales pour massacrer l’entreprise.

En tout cas, quelle que soit l’issue de cette histoire, gageons que nos valeureux défenseurs du lourdage de salarié en mode ninja-furtif sauront tirer tout l’enseignement prolifique des embûches qu’ils auront rencontré dans leurs tentatives de sabotage. Ainsi pourront-ils, soyons en certains, faire profiter de leurs intéressantes expériences leurs confrères étrangers ; il n’est probablement pas loin le temps ou des échanges culturels et nécessairement informatifs se feront entre les fiers bousilleurs de l’aérien italien et les rigoureux massacreurs des docks français ou les puissants fusilleurs de la presse nationale.

Syndicalistes de France et d’Italie, c’est grâce à vos actions diligentes pour un monde plus corporatiste, grâce à votre travail de sape minutieux de la relation entre le client et l’entreprise autant qu’entre le salarié et le patron qu’on pourra se débarrasser des entreprises massivement étatisées où vous officiez en toute déconnexion du monde réel.

Merci à vous, et bon courage !

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Commentaires17

  1. Chitah

    Je crois que tu oublies un peu vite les hommes politiques italiens, mon cher H16.

    Alitalia a toujours souffert d’une position bâtarde, tant en Europe (plutôt excentré en Europe, notamment vis-à-vis des très lucratifs vols transatlantiques!) qu’au plan intérieur.

    Cette compagnie, pour des raisons politiques, possède deux hubs alors que son niveau d’activité ne le justifie plus depuis des années (elle a une part de marché minoritaire en Italie, de l’ordre de 20%!) : Milan et Rome. Le premier est largement soutenu par la Ligue du Nord, et manque de bol, les élections législatives ont eu lieu au printemps 2008. Ce hub de Milan-Malpensa a été un des enjeux de cette campagne, poussant donc les syndicats à la surenchère.

    Bref, tout ça pour dire que les politiciens soufflant le chaud et le froid ont également une part de responsabilité écrasante dans cette affaire.

  2. Ah mais il va de soi que la Confrérie Syndicale n’avait pas signé d’exclu sur le dépeçage d’Alitalia et que les hommes pipolitiques italiens ont participé à l’offensive ! Cependant, ce billet était l’occasion d’étudier l’actions des syndicalistes, avant tout. Ne nous éparpillons pas 😉

  3. miniTAX

    @2 en effet, une action syndicale aussi exemplaire mérite bien un décorticage à la hache16.
    Espérons qu’un précédent aussi vertueux puisse inspirer nos centrales syndicales qui ont besoin de mener des actions vigoureuses semblables au sein de nos fleurons nationaux tels que l’Education Nationale, la Poste, Météo France…

  4. fin quebecois

    Ben oui, y’a pas que les syndicats… Avant eux, y’a eu des années de gestion catastrophique. La compagnie perdait 2G€ par jour !! C’est pas le représentatn du personnel qui en était responsable.

    C’est pas une analyse, ça, mon gars, c’est un réquisitoire. Le registre n’est pas le même.

    2 G€ / jour ? Allons, tu n’es pas à un ou deux ordres de grandeur près. Disons 2 T€/minute, et l’affaire est dans le sac !
    Il est étonnant de constater qu’après avoir réussi, de haute lutte, à casser les syndicats rétrogrades d’Air France, la compagnie a pu se moderniser et est maintenant rentable. Il est aussi étonnant de constater qu’il n’en a jamais été ainsi pour Alitalia avec le résultat qu’on connaît. La comparaison, si elle n’épargne pas les politiques, est franchement peu flatteuse d’abord pour les syndicats. Comme souvent…

  5. fin quebecois

    Un libéral comme toi n’évoque pas l’incroyable plan de sauvetage du capitalisme totalitaire ? Pourtant, le libéralisme visant à la libération de l’homme (non ?), il y a de quoi dire… plutôt que de tirer sur l’ambulance volante, à bout portant, avec une mitraillette…

    Enfin, bon, de la part d’un anarchiste de plus en plus convaincu, ça vaut ce que ça vaut.

    ps : J’aime bien tes captcha anti-spam, mais il m’a fallu 7 validations pour y arriver au commentaire précédent !

    Un libéral comme moi ne peut que constater qu’un système atteint d’étativisme aigü, lorsqu’on lui inflige une bonne dose d’état supplémentaire, passe rapidement des affres d’une lente agonie aux spasmes annonciateurs d’une mort rapide. Je ne vois pas trop ce qu’il y a de plus à commenter, d’autant que ceci l’avait été abondamment dans des douzaines de posts parmi les 400 précédents… Enfin bon, de la part d’un fin ex-québécois, ça vaut ce que ça vaut 😉

  6. pp

    J’aime pas beaucoup les syndicats non plus. Mais ce qui se passe en ce moment aux US aurai tendance à me réconcilier avec eux 😉
    Je veux parler du défilé à Wall Street où les manifestants demandaient d’envoyer en taule les spéculateurs au lieu de les renflouer ! 😉

    Sinon h16, peut-être que tu te souviens qu’au tout début de l’année j’avais pris le pari avec toi qu’avant la fin de l’année soit le système financier serait par terre soit on l’aurai réformé.
    Si c’est la 1ère option je vous souhaite sincèrement bonne chance à tous.

    Les jours qui viennent vont être historiques, et pour preuve du drame qui est en train de se jouer, certains acteurs de ce drame montrent des signes de grande fébrilité voire de désespoir, comme le cas de cet escroc de Paulson qui est tombé à genou devant Nancy Pelosi :
    http://www.solidariteetprogres.o...

    Oui, je me souviens que nous avions eu cette discussion. Et si tu te rappelles bien, si nous étions tout à fait d’accord sur le résultat (à savoir que le système était sur le point de s’effondrer) nous n’étions pas du tout d’accord sur les remèdes à apporter, ce qui constituait notre essentielle différence : tu visais plus d’interventionnisme – tu vas être servi -, je disais déjà que le système était pourri de par cet interventionnisme et qu’il n’en serait que plus gangréné. L’avenir nous dira ce qu’il en est, mais les jours qui s’annoncent semblent sombres, et tout pointe vers un retour du populisme étatique. Est-ce vraiment étonnant ?

  7. fin quebecois

    Ahah.
    "Un libéral comme moi ne peut que constater qu’un système atteint d’étativisme aigü, lorsqu’on lui inflige une bonne dose d’état supplémentaire, passe rapidement des affres d’une lente agonie aux spasmes annonciateurs d’une mort rapide. "
    Tu crois vraiment que c’est l’étativisme qui a flingué Wall street ? Mais faut pas tout rattacher à n’importe quoi (quoique souvent, ce soit là que réside la vérité, je te l’accorde), c’est parce que le Libéralisme Promis n’est qu’un leurre : pour la masse, c’est juste un nouveau moyen d’être mis en servage via une nouvelle religion, pour l’élite, c’est l’opium qu’elle sert au pauvre peuple, tandis qu’elle régit le trafic en douce.
    Les drogués doivent se réveiller. Il est temps d’entrer en cure de désintox !

  8. pp

    h16:
    > tu visais plus d’interventionnisme – tu vas être servi –

    Une intervention des états oui, mais pas cet acte de haute trahison qu’est le plan Paulson. Sa place est en taule.
    Par contre je me demande ce qu’un libéral peut attendre d’une situation comme celle là. Pas grand chose j’imagine.

  9. Jesrad

    "Par contre je me demande ce qu’un libéral peut attendre d’une situation comme celle là. Pas grand chose j’imagine."

    Comme je l’écrivais sur mon propre blog en réponse à un commentaire comparable, moi, en tant que libéral, j’oscille en ce moment entre hilarité devant la prévisibilité et l’ineptie complète de la spirale infernale qui se déroule devant nous, et terreur devant ce qu’elle implique. Je suis donc terrifilare: je n’attends rien des états que la confirmation de mes peurs sous forme de dénouement comique.

  10. Jesrad

    Tiens, tant que vous êtes là pp: à la lumière des faits courants, je pense que changer de système monétaire n’est plus une mauvaise idée, mais seulement à condition de faire ça convenablement (c’est à dire liberté bancaire et monétaire au lieu d’un retour au monopole de la Banque de France). Et je ne crois toujours pas que l’état français puisse se débarrasser de sa dette par un tour de passe passe comptable.

  11. laglute

    Jesrad, vous oubliez une partie de la dette de la SNCF effacée ( ou de RFF, me souviens plus ) au début juillet 2007, voyons !!!
    Avec notre coco de droite, tout devient possible !!!

  12. Chitah

    Je me demande comme h16 peut prendre au sérieux un envoyé de Solidarité & Progrès, le mouvement français larouchien de Cheminade.

    A chaque fois que j’ai discuté avec ces types, que ce soit place de la Sorbonne ou Maubert à Paris, j’ai été stupéfait par leur ignorance absolue de l’actualité, de l’économie, de la philosophie politique. Dans le genre, mis à part un vendeur à la criée de l’Action Française, ou d’autres vendeurs de Lutte Ouvrière la publication du parti éponyme, j’ai rarement vu plus bête sur le spectre politique français, pourtant richement doté.

  13. pp

    Salut Chitah,
    note que je n’ai mis comme lien que des choses très compréhensibles pour tout bon libéral.

    Concernant l’économie et la philosophie, il semble qu’il te manque quelques éléments.

  14. emachedé

    Il faut remercier aussi Berlusconi sans qui rien n’aurait été possible.
    Sa vision nationaliste et archaïque de la finance fera date.

    Tout faire pour rester 100% italien même au pire

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