La libéralisation de la téléphonie aura été une bonne chose : les tarifs sont bas, l’ADSL en excellente progression sur le territoire, et la pluralité des offres est réellement présente pour le consommateur. Une seule ombre au tableau : le dégroupage total (qui consiste à se passer totalement de l’abonnement de base à France Télécom) continue à peiner. Il semblerait que les tribunaux, avec la distribution d’amendes salées à FT, se soient saisis du problème.

En effet, FT écope ce jour d’une amende record de 80 millions d’euros.

La jolie somme sera payée pour compenser les « pratiques anticoncurrentielles » de l’opérateur historique entre 1999 et 2002. A ces 80 millions, il faut ajouter les 40 que le groupe a déjà dû payer pour non-respect des injonctions du Conseil en 2005. Les pratiques jugées ? L’opérateur a fermé à ses concurrents jusqu’en octobre 2002 l’accès au marché de gros de l’internet haut-débit par ADSL, en proposant de revendre ses accès à l’infrastructure à des tarifs qui rendaient toute exploitation concurrente obligatoirement plus chers que les tarifs FT.

Evidemment, France Télécom, proposant alors des tarifs moindre que les autres opérateurs, et disposant en plus de la base installée de ses « clients » supercaptifs, n’a eu aucun mal a disposer d’une sérieuse avance sur ses concurrents pour la vente d’abonnements ADSL.

Que dire de tout ceci ?

D’abord, qu’il n’y a pas tant lieu de se réjouir. Enfin, si… – FT qui se fait taper sur les doigts, pour une fois que c’est lui qui prend, ça a quelque chose de rigolo, tout de même – , mais en tenant compte d’une chose (snif) : les amendes, c’est bien nous, clients supercaptifs, qui les paierons au final. Ce sont nos abonnements prélevés sur les années passées et à venir qui vont payer la facture.

En outre, il aura fallu attendre 2002 pour que l’ADSL soit réellement disponible, alors qu’il aurait pû l’être dès 99. Ce qui veut dire que les Français, grâce au magnifique monopole public (que tout le monde nous envie, mais est-ce besoin de le dire), ont donc perdu l’effet de la concurrence pendant trois ans.

Les tenants de l’antilibéralisme et du monopole auront quelques difficultés, maintenant que l’ADSL français, libéralisé, est le moins cher d’Europe, à justifier que, pendant ces trois années, les Français se soient fait flouer pour une entreprise qui, rappelons-le, a fait de surcroît des « étincelles » en bourse et dans le portefeuille de milliers de petits actionnaires…

Enfin, le ponpon de l’affaire, c’est que l’amende sera versée au Trésor Public. Ce qui veut dire que cela va surtout enrichir (ou baisser l’apauvrissement, si l’on veut rester rigoureux) de fonctionnaires divers, au lieu de revenir au concurrent plaignant (9 Télécom en l’espèce).

Ce qui veut dire aussi que cet argent sera bien perdu pour le contribuable, dans les méandres de l’administration brazilesque de ce pays.

Mais ce n’est pas tout : 9 Télécom, attaquant derechef, au tribunal de commerce cette fois, demande 497 millions d’euros. Même en sachant qu’ils n’obtiendront probablement pas toute cette coquête somme, il y a fort à parier que le tribunal de commerce confirmera les pratiques anticoncurrentielles et accordera un dommage et intérêt à 9 Télécom.

Ceci ouvrira probablement la voie pour ses autres concurrents qui réclameront là aussi leur part de la Bête. Et, par extension, devrait normalement réfreiner les vélléités de FT d’enquiquiner les nouveaux entrants sur le dégroupage total…

Cela sonne un peu comme l’halali, ne trouvez-vous pas ?

Si vous avez des actions FT, je crois qu’il serait judicieux, dans un proche avenir, de vous en départir très vite.