Comment procéder pour rendre un système parfaitement inutilisable et grossièrement inégalitaire ? En faisant croire à chacun des agents qui le compose qu’il dispose d’une longue liste de « Droits à ». Plus vous rajouterez des « Droits à », plus vous augmenterez l’inégalité. Le plus savoureux, dans la manoeuvre, est que l’introduction d’une brouettée de « Droits à » est la conséquence directe d’un désir de diminuer l’inégalité observée. L’actualité nous fournit un exemple criant de ces « Droits à » qui se termine, comme d’habitude, par une inégalité criante.
Le « Droit à » dont on parle actuellement, c’est le « Droit à l’Enfant ». Par un glissement sémantique subtil, on passe doucement dans notre société de l’idée simple du droit d’avoir des enfants à l’idée beaucoup plus compliquée du droit à un enfant, qui institue une obligation pour la société de fournir un enfant à ceux qui le demandent…
Et, de fil en aiguille, le droit de l’adoption est devenu un vaste maquis compliqué et touffu. Au départ, ce qui devait permettre à un enfant de trouver des parents et à des couples de s’occuper d’un enfant est devenu une procédure administrative d’une âpreté de pays soviétoïde.
Pourquoi une telle complexité ? Elle a été introduite de façon progressive, mais essentiellement pour « protéger les enfants des abus ». Et dans l’esprit cartésien de nos étatistes standard, la seule façon d’empêcher les abus est de déconnecter complètement les demandeurs à l’adoption (les parents) des offrants (les enfants), déconnexion obtenue en créant moultes organismes sociaux, associations subventionnées, etc…
Par la suite, de façon plus perverse, l’état a lié l’obtention de ces subventions au nombre d’enfants gérés (on aurait envie de dire « digérés ») par les systèmes mis en place. Ces organismes se sont donc empressés, en toute bonne logique financière, de prendre en charge le plus grand nombre d’enfants, le plus grand nombre de cas d’adoption, etc… Quitte, comme on l’apprend régulièrement dans la presse, à juger que tel couple de grands-parents aura été « trop affectueux ».
Le parcours de l’adoption est maintenant devenu un vaste nuage brumeux de directives, décrêts et lois, d’organismes divers et d’associations étatiques, para-étatiques, sociales et humanitaires, ayant toutes un mot ou l’autre à dire, et des douzaines de Cerfas à faire remplir un peu partout.
Et ces jours-ci, nous arrivons, enquête INED à l’appui, à la conclusion logique de ces empilements administratifs.
- Sur 10.000 demandes annuelles, moins de la moitié sont honorées (4500).
Je me perds en conjecture sur les 5500 refus ou sur les demandes mises en attentes pendant des années. Des enfants dans le besoin, l’humanité en produit à foison tous les ans. Chaque année, chaque semaine, chaque jour compte, et le retard (toujours plus grand) que prennent ces organisations est une peine de plus pour ces enfants qui ne trouveront pas de parents, et ces couples qui ne pourront adopter. L’Etat (celui d’où vient l’enfant comme celui où sont situés les parents) est ici seul responsable. L’opération d’adoption est en fait très simple sur le plan pratique, même les mammifères les moins évolués la pratiquent sans difficulté. On se demande pourquoi, si ce n’est pour des raisons obscures de bienpensance, l’état intervient dans l’affaire ; il est aisé de voir que les raisons invoquées (pédophilie, mauvais traitements, traffic, etc…) ne sont en rien empêchées par l’état, et qu’en plus, l’insertion d’un ou plusieurs intermédiaires qu’on qualifiera pudiquement de patauds entre les parents et les enfants n’entraîne qu’un gaspillage de temps, de moyens et d’argent. Et encore une fois, le dicton « la morale est sauve » servira de paravent à des tuyauteries complexes et des machineries froides qui transformeront des relations humaines en opération comptable.
- Les demandes honorées concernent dans une majorité écrasante les classes les plus aisées de la société.
Grâce à cette magnifique plomberie bureaucrato-juridique que des générations de législateurs, orfèvres des petites lois liberticides, ont pondu ces dernières décennies (et que, n’ayons pas peur de le dire, le reste du monde nous envie), l’égalité de chacun devant l’adoption s’est rapidement effacée devant la réalité : seuls les plus riches et les mieux armés intellectuellement (et/ou juridiquement) arrivent à bout des méandres de paperasse pour adopter. Ceci revient de fait à limiter l’adoption aux classes les plus favorisées. Et quand on demande le prix d’une adoption, les organismes s’offusquent (« on ne monnaye pas un enfant, c’est interdit, môssieur ! ») et se retranchent sur les « frais » de dossier – car si cela n’a pas de prix, cela a manifestement un coût, que tout le monde ne peut pas supporter…
L’inégalité comme résultante de la pensée simpliste des étatistes de tous crins, s’il n’y avait pas le sort d’enfants et de couples que le malheur frappe tous les jours, ce serait presque drôle.
Là, c’est seulement pathétique et révélateur.