La France est un pays de rituels. En décembre, on y trouve les fêtes de fin d’années. En mai, c’est le retour de la chaleur printanière, le petit mois des ponts et des RTT. En juillet et en août, les vacances. En septembre, c’est la rentrée qui peut être sociale, ou chaude, ou studieuse, suivant les années. Et en novembre, c’est le Beaujolais nouveau et les grèves reconductibles à répétitions.
Comme de bien entendu, la grève aura bien lieu. Tels Andromaque croyant à la paix et à la négociation jusqu’au bout, les politiques se sont retranchés devant les fumisteries de la “prévention du conflit” pour que la grève soit évitée. Ce sera le cinquième débrayage depuis le début de l’année, ce qui montre la parfaite inefficacité du système de prévention en question. Les Cassandres l’avaient prédit, mais elles n’ont guère de mérite (ou de don divinatoire) tant l’habituelle incurie des syndicats les rend faciles à prévoir.
Pour le cru 2005, les syndicats ont certainement voulu marquer le coup des 10 ans de collectivisme forcené dans l’entreprise de transport public Que Le Monde Nous Envie(tm)(r)(c) en remettant les couverts, tels de fins gastronomes devant une table de banquet sur laquelle trônerait une grosse dinde juteuse. La dinde, ici, c’est nous (les usagers).
Je ne m’étendrai pas sur le sujet-prétexte de cette grève – une éventuelle privatisation -, puisqu’il a été évoqué (avec quelques petits sanglots) dans un précédent post.
Je ne reviendrai pas non plus sur les motivations hilarantes des syndicalistes (on en serait au décrochage de mâchoire si la gêne provoquée ne rendait l’ensemble de l’opération aussi pénible), qui montrent d’une part leur totale déconnexion avec la réalité du travail en France, et d’autre part qu’un discours, fût-il vieux de 20, 30 ou 50 ans, est toujours valable dans la bouche d’un communiste convaincu : le réchauffé, c’est encore bon, même bien au-delà de la date de péremption.
Par contre, je ne peux que pointer du doigt l’effarante hypocrisie de ces mêmes syndicats. Ils semblent organiser une grève pour résoudre leurs “problèmes”, alors qu’en fait, et tout le monde le sait :
- leur patrons ne sont pas responsables et n’y pourront rien(comme on peut le lire ici)
- leurs actions sont lourdement entâchées de calculs politiques gluants qui collent : bizarrement, si la grève est reconduite, ce serait (comme le dit gentiment l’autre ensyndicalisé de Falempin) “cauchemardesque pour les gens”, puisqu’elle coïnciderait avec une (autre!) grève de la RATP, mercredi. Comme par hasard, dans le même temps, à Marseille, la situation à la RTM s’éternise plus ou moins après avoir déjà tant duré.
Bref, plein de grèves en même temps. Ne manque guère que EDF, pour fêter sa “privatisation” très partielle, tiens…
Quant aux usagers, dans tout ça, ils deviennent de plus en plus usagés. Fourbus de ces interruptions incessantes d’un service ni public (puisqu’en grève, en panne , en déficit et en désamour continuels), ni privé, ils sont contraints, une fois de plus, à compter les points.
“Cette grève inadaptée voire contre-productive va, une fois de plus, décourager les clients du rail et pénaliser la SNCF, en lui faisant perdre 20 millions d’euros par jour alors qu’elle manque de ressources pour investir et développer ses services, et la collectivité”, estime la Fédération Nationale des Usagers des Transports publics dans un communiqué.
Heureusement, et je concluerai sur cette note de bonne humeur joyeuse pleine de youpis youpis bondissants, “Un système de service garanti sera mis en place comme pour la grève du 4 octobre”, a assuré le Minitrans ministre des Transports[1].
Si le Ministères des Transports le dit, c’est que tout va pour le mieux, hein.
Notes
[1] Etonnant, cette capacité à s’appeler par ce qu’on n’est pas : ministère des finances, qui plombent celle de l’état, ministère des transports, qui s’occupe de gérer des grèves, … On dirait, là encore, du Orwell…