C’est la cata. Les Français n’ont pas le moral, du tout. Leur situation financière personnelle est en berne et ils s’attendent tous à une augmentation du chômage : tristesse, désolation et fourchette en plastique. Heureusement, le Nouveau-Centre a décidé de combattre la morosité. Youpi, une nouvelle candidature aux présidentielles 2012 !
Et, je dois le dire, cette ex-future candidature officiello-officieuse tombe à pic : cela fait un petit moment que j’ai été tagué par l’Hérétique, Romain Blachier et par l’initiateur de cette chaîne, Alexandre, qui ont tenté de définir le Centre, d’en connaître la spécificité.
L’actualité me fournit donc une excuse merveilleuse pour parler du candidat officieux et pour évoquer, plus largement, le centre et ses facettes chamarrées qui donnent aux scissions internes des écolos, des libéraux ou des communistes un petit air d’unité.
Mmmh, en fait, j’exagère : une des caractéristiques du Centre, en matière de scissions, c’est en tout cas qu’elles s’opèrent dans le calme feutré d’une indifférence ou d’une pondération impavide. Les pires déchirements, les retournements de veste les plus dramatiques et les claquements de portes les plus violents, au centre, donnent toujours cette impression de se dérouler dans des boudoirs douillets doublés de velours, filmés en 1000 images à la seconde pour être repassés en vitesse normale.
Cette nature lente et posée s’exprime même dans les agissements des principaux « leaders » de ces mouvements. Tout en tons pastels, aux caractères délicatement brossés à l’aquarelle légère dans un style impressionniste, on a bien du mal à voir les traces qu’ils auraient pu laisser dans la vie politique française, au-delà du traditionnel gondolement du papier sur lequel ils s’étalent, humides : prenez des Français au hasard, collez-leur un gros micro mou sous le nez, déclencheur pavlovien ultra-connu de réflexions de comptoirs, et demandez-leur de grandes figures centristes actuelles, et vous constaterez, la plupart du temps, un regard un peu perdu, une lippe pendante et une attitude légèrement hagarde.
Bien sûr, Raymond Barre vient à l’esprit. Evidemment, on pourra évoquer Balladur, personnification totale du centre qui agit furieusement pour des siestes plus calmes. Mais en matière de petits nouveaux, c’est un peu court.
Novelli ? Mmmh. Il est au centre ? Ah oui. C’est vrai. Il fait quoi, déjà ? … Morin ? Qui ? L’ex-ministre des anciens combattants, ah non, de l’outre-mer. De la défense ? Ah ? Je n’aurais pas cru… Cavada ?! Mais non, c’est un journaliste, voyons. Il est aussi du centre ? Ah bon, tiens. Amusant… Borloo ? Au centre !? C’est une plaisanterie ! On le voit plutôt à l’ouest, très très à l’ouest… Certains se souviendront peut-être de Jean Lassalle, le célèbre Capitaine Blâme, mais plus en tant que choriste béarnais qu’en tant que centriste.
Le seul qui se détache un peu, c’est, évidemment, Bayrou. Mais force est de constater qu’il tient bien plus souvent sa notoriété de son image décalée, de ses éventuelles gaffes ou ses quelques coups de gueule que de son programme politique dont seuls les aficionados connaissent les principaux éléments.
Décidément, le Centre, qu’il soit modémisé ou umpéteux, c’est un truc qui n’arrive pas à être fashion, hype, tendance. Il lui faudrait peut-être lancer un magnifique site oueb deuzéro, genre Les Créatures de l’Envisageable, avec le risque qu’il ferme après quelques jours d’hibernation. Même les plus gros partis se sont cassé les dents sur ce concept, finalement.
Alternativement, rien ne vaut mieux, en terme de buzz, qu’une bonne communication ratée. On parle d’eux, pas forcément en mal, pas forcément en bien, mais on parle d’eux. C’est mieux que l’absence compassée de commentaires de presse, ou son indifférence polie, masquée derrière un bâillement parfois authentique, sur les actions des membres de ces partis…
Dernièrement, on a eu le malaise vagal version Modem, qui s’est transformé en vague malaise , mais ça n’a occupé qu’un temps, et, là encore, pour des raisons qu’on pourra qualifier de futiles.
C’est pourquoi aujourd’hui, on relance le bastringue gentiment (c’est le Centre, tout dans le calme, hein) avec la candidature évoquée non-confirmée puis annulée puis officiellement démentie (donc confirmée).
En substance, Cavada, qui est le porte-parole d’un parti qui semblerait s’appeler le Nouveau-Centre, aurait officialisé la candidature de Morin, ex-ministre de la Défense (oui oui, ce n’est pas une rumeur), alors que ce dernier n’était pas sûr d’être totalement encarté totalement partant pour l’idée. Il avait – on ne s’en souvient pas – présenté ses vœux depuis sa cuisine, entre vaisselle et coq au vin. Le degré de palpitations était à son plus haut lorsqu’il expliqua vouloir rassembler le Centre, dont on ne savait d’ailleurs pas avant qu’il était éparpillé ni qu’il existait vraiment.
(même sur les photos, le candidat est vraiment flou)
Mais finalement, c’est non pas maintenant pas tout de suite pas là attendez un peu, Morin n’est pas réellement dans la course. Il devra consulter l’autre épicurien, Borloo, sans doute coincé en mode Exploration des Hospices de Beaune depuis son départ du gouvernement.
De ce point de vue, la stratégie modémiste est bien plus lisible : on sait que le candidat s’appellera Bayrou, que le programme sera celui de Bayrou, qu’il sera calibré pour être un petit chouilla à droite, un petit chouilla à gauche, et un gros chouilla nulle part. Pas de surprise, pas de palpitations, du feutré, du calme, du centre.
C’est peut-être finalement ça, qui caractérise ces centres : tout le monde a très vaguement entendu parler des individus, personne ne voit exactement ce qu’ils font, leurs têtes n’impressionnent que les pellicules photographiques, et leurs propositions sont introuvables. Le tout, dans le calme feutré de salons parisiens ennuyeux.
Inaudible, inodore, incolore et sans saveur, le nouveau centre, complètement phagocyté par une UMP qui mange à tous les râteliers, sera surtout un vague poil à gratter avant les primaires. Quant au modem, sorti de son leader dont l’éclat est particulièrement fugace et imprévisible, il n’existe là encore pour ainsi dire pas.
Pour en revenir à la question initiale de savoir ce qu’on pouvait voir derrière le centre, la vision qu’offre le paysage politique français et celle que développent mes collègues blogueurs est tout de même différente : les politiciens font de la politique politicienne, bidouillant du message à vertu électorale douteuse, là où les individus définissent volontiers le centre comme le rassemblement des libéraux et des démocrates chrétiens.
Or, de libéraux (des vrais, des solides, des « à la Ron Paul« ), en France, je n’en vois aucun. Quant aux chrétiens, ils se font rare tant l’anathème pleut sur celui qui n’est pas laïcanti-religieux. Le centre est donc condamné à se restreindre à quelques démocrates-sociaux, pendant logique des sociaux-démocrates qui foisonnent tant et plus aux bords les moins extrêmes du PS et de l’UMP.
Vaste tisane transparente …
Or, de libéraux (des vrais, des solides, des « à la Ron Paul« ), en France, je n’en vois aucun.
….
Méssi, méssi, il y en a des libéraux, des vrais, des solides, en France aussi….
Certes, ce n’est pas au centre qu’il faut les chercher …
… parmi les anti-étatistes , (ni de droite ni de gauche éventuellement), de belles surprises se préparent…
« Quant aux chrétiens, ils se font rare tant l’anathème pleut sur celui qui n’est pas laïcanti-religieux »
Je dirais même plus: laïcanti-religieux-anti-chrétien-pro-islam
(parce que les croisades, la colonisation, le racisme, le manque de mosquées, le pape et les préservatifs, et toussa, c’est pas bien)
« Jean Lassalle […] choriste basque »
Aïe, aïe, aïe… erreur funeste ! 🙁
Jean Lassalle est Béarnais (comme l’ai, du reste, F. Bayrou…)
À l’avenir, veuillez vous abstenir de confondre Basques et Béarnais — et vice-versa.
Ceci est tellement vrai qu’il en est même certains (les Basques, surtout) qui revendiquent la partition de l’actuel département des Pyrénées atlantiques en deux entités distinctes: le Pays basque (Euskadi) et le Béarn, dont les préfectures respectives seraient : Bayonne et Pau — Pau étant « à tort » la seule et unique préfecture du département.
Je corrige de suite. Il n’y avait aucune intention maligne derrière cette confusion.
Par mon propos un peu « chambreur », vis-à-vis des Basques qui auraient tendance à nous la jouer un peu trop dans le style « autonomie », je ne voulais certainement exprimer la moindre acrimonie envers vous, ni vous faire le moindre reproche.
Ma phrase « À l’avenir,… » par le ton un tant soit peu impératif qu’elle présente le laisserait peut-être accroire.
Je m’empresse de corriger et vous demande de m’accorder votre compréhension.
Pas de souci 🙂
Note, h16, que pour épicer un rien la potée centriste, on a rajouté dernièrement une pincée de libéralisme avec l’absorption de AL. De néo-libéraux mangeurs d’enfants communistes, de vrais durs et méchants « à la Ron Paul », qui osent affirmer insolemment leur goût de la liberté, et leur rêve d’une société fondée sur l’Individu Souverain, des égarés qui ont trop lu Rand, Rothbart et Friedman (le fils), il ne reste donc plus que le PLD d’Aurélien Véron. Ayez pitié de ces malheureux et votez pour eux, si vous avez encore une carte d’électeur !
AL absorbé par le centre ? C’est vrai qu’ils avaient appelé à voter Bayrou, dont le programme me paraissait d’ailleurs le plus libéral de tous les candidats en lice…
Quant à voter PLD, je veux bien, mais ils manquent cruellement de candidats dans les élections locales.
Absorbé ? bien au contraire http://leparisienliberal.blogspot.com/2010/12/faites-passer-alternative-liberale-en.html
c’est meme le pari inverse qui est fait en ce moment par AL.
Tu as dit : « Or, de libéraux (des vrais, des solides, des « à la Ron Paul« ), en France, je n’en vois aucun. »
Le PLD te fait tant honte que ça ?
Pas du tout. C’est simplement une question de visibilité : même Novelli ou Morin, aussi flou soient-ils, sont plus visible que le PLD. En outre, le PLD n’est pas au Centre, sujet du billet 😉
Ceci posé, tu me répondras avec raison que si, justement, je ne parle pas du PLD quand je peux, tu ne gagneras pas en visibilité. Espérons donc qu’avec ce commentaire, ce sera le début (j’ai d’autres idées).
Fais un effort H, on sait que la photo est floue, n’en rajoute pas sur l’orthographe de son nom! 😉
(corrigé)
Bayrou avait vu son image médiatique « gigantisée » à la suite d’une baffe administrée en public à un merdeux qui essayait de compenser le lâche abandon des pouvoirs publics en lui piquant son portefeuille.
S’il veut voir les sondages remonter en flèche, il va devoir refaire un tour dans le 9-3, …avec une hache.
Le Centre , c’est le Plat Pays sans les Belges.
« Bayrou a plongé dans une piscine vide! Même les belges ne le font plus!!! »
Jacques Maillot, chansonnier.
Quel as ce Bayrou! Il a repéré le « Djeuns » et lui a mis une tarte avant même que son garde du corps ait réagi! Ou c’était un petit peu préparé ou alors il aurait du faire garde du corps.
A la réflexion, la deuxième solution me semble bien : on le colle près d’un politocard et on attend qu’un vrai méchant s’en prenne au politocard en question. Avec un peu de chance, c’est du deux en un…
Bayrou voulait un moment gouverner avec le meilleur (horreur) de la droite et le meilleur (malheur) de la gauche, i.e, les fines équipes de tocards qui dirigent depuis 40 ans ce pays vers sa ruine. Avec comme programme : Surtout Ne Rien Faire.
pas necessairement negatif. Les politiciens sont des incapables qui feraient mieux de laisser les entrepreneurs et les ONG faire leur boulot, sans interferences.
Il faudrait créer un parti « d’extrême centre ». Devise : « Ni à droite, ni à gauche, ni au centre, ni nulle part ailleurs d’ailleurs » Un bidule quantique quoi, histoire de flûter grave, tel celui d’Hamelin, pour attirer l’électeur dépouillé taxé à mort, paniqué social et orphelin national. (NB : le mot « extrême » étant mal compris au Bisounoursland, je propose une variante : « Outre-centre » — qui peut ainsi concerner les gens des quatre quarts de l’héxagone ^^) Je ne copiraillete pas pour ces idées. C’est cadeau !
Oui, avec un beau slogan : « Ni pour, ni contre, bien au contraire! »
Pardon, le « ! » de la fin est en trop, ça fait violent.
Plus simple: « Ou pas ».
Le Centre ça m’évoque une ambiance « à la Derrick », monochrome et un peu verdâtre, avec des gros plans sur des téléphones qui sonnent et des cascades de malades comme quand Horst Tappert ouvre une fenêtre et regarde à l’extérieur… Poignant !
@ stilicon : Alternative Libérale n’a pas été absorbé par le NC.
@ H16 : finalement, l’invisibilité des leaders centristes, n’est ce pas aussi ce que nous voulons tous, pour partie ? des politiciens profil bas qui laissent les gens vivrent leur vie ?
Ce serait bien si tous les autres en faisaient autant, alors.
C’est quand même bien parti, non ? Le grand soir est fixé au 15 janvier, c’est bien ça ? Perso, j’aurai bien plus vu une fusion/alliance/asso entre PLD et AL. Déjà qu’il y a très peu de vrais libéraux en France, ces histoires de scission d’entrée de jeu, ça m’a toujours semblé absurde. Mais chacun en définitive fait comme il veut.
Hello !
Tu dis :
« filmés en 1000 images à la seconde pour être repassés en vitesse normale »
Or ne faudrait-il pas plutôt dire :
« filmés en 1 image à la seconde pour être repassés en vitesse normale ».
Ainsi ce qui est très lent paraîtra plus rapide.
NL
Non non, c’est l’inverse. Ce qu’ils font paraît comme vu très très lentement 🙂