Derrière le Manque de Moyen™, ce que cachent les démissions des maires

L’actualité politique française est totalement occupée par les gesticulations parisiennes : les parlementaires s’agitent en Commissions et à l’Assemblée, les médias font leurs choux gras de leurs saillies, la presse relaie et analyse avec gourmandise les propositions et les joutes verbales. Pendant ce temps, personne ne s’occupe plus des difficultés de la Province.

Pourtant, les signes s’accumulent que la Province rencontre effectivement des difficultés croissantes. Parmi ces signes, la grogne des édiles de municipalités de toutes tailles et surtout les plus modestes : ainsi, il ne s’écoule pas une semaine sans qu’on compte l’une ou l’autre démission de maire d’une de ces 36.000 communes que la France compte sur son territoire.

Dernièrement, c’est la petite bourgade de Pibrac près de Toulouse qui fait parler d’elle : Camille Pouponneau a récemment décidé de démissionner et de s’en ouvrir à la presse locale pour expliquer les raisons de son geste.

Essentiellement, elle est épuisée par une charge croissante et l’impression de n’avoir qu’un rôle de plus en plus restreint dans l’administration de sa commune, d’y devenir « une simple gestionnaire sans aucune marge de manœuvre, noyée sous le poids de règles étatiques rigides » et elle déplore un « service public en miettes faute de moyens suffisants ».

L’antienne du (sacro-saint) Manque De Moyen™ sonnant comme un cri de ralliement pour toute la gauchistaillerie du pays a d’ailleurs permis au message de la mairesse d’être rapidement relayé par la presse nationale (une fois n’est pas coutume). Il va de soi que l’essentiel du message – qui porte clairement sur l’océan asphyxiant de règlementations, de lois et de contraintes administratives imposées par l’État sur les communes – n’est guère mis en exergue lors de l’analyse de la presse, qui préfère rappeler qu’en donnant aux maires plus d’argent gratuit des autres, ces derniers seraient certainement plus heureux (ceci montrant en creux que, décidément, l’argent est bel et bien l’alpha et l’oméga pour les gauchistes).

En pratique, les complaintes de Camille Pouponneau sont celles qu’on retrouve assez régulièrement lorsque des maires décident, comme elle, de rendre leur écharpe : mettant systématiquement en avant le même Manque De Moyen™, on retrouve aussi, de façon systématique, les mêmes remarques sur l’impression de ne plus servir à rien et d’être de simples exécutants de décisions prises arbitrairement, indépendamment des réalités du terrain. C’est vrai tant dans le témoignage récent de l’ex-maire de Plussulien dans les Côtes d’Armor, ou dans celui de Gourlizon dans le Finistère : la complexité des tâches n’arrête pas d’augmenter et la capacité des maires d’influer sur le cours des choses n’arrête pas, elle, de décroître.

Et sans surprise, la législorrhée dont l’Assemblée nationale est victime depuis plusieurs décennie entraînant naturellement un accroissement exponentiel des tracasseries bureaucratiques, de la paperasse et des vexations administratives, le constat de cette érosion du pouvoir des maires, de leur rôle de plus en plus subalterne ne fait qu’empirer. Le phénomène de ces démissions ne fait donc que prendre de l’ampleur : un article de février dernier relatait justement cette tendance de l’augmentation des démissions (40 par mois depuis 2020) et notait aussi l’augmentation de la violence à l’égard de ces élus.

Cette violence est, du reste, logique : lorsque le pouvoir du maire ne fait que diminuer mais que sa charge se traduit parallèlement par une augmentation des contraintes à faire peser sur ses administrés, il est alors logique qu’il devient le fusible et la cible facile des mécontents… Devenant un simple exécutant de mesures de plus en plus impopulaires, il sert de bouclier aux administrations qui lui imposent ces décisions.

Bien sûr, on pourrait penser que tout ceci n’est que le résultat d’un problème économique ou social : l’abandon des maires serait la conséquence visible d’un manque de moyen de l’État envers les communes. Leurs maires, confrontés à des missions impossibles à remplir avec des ressources financières et humaines déclinantes et une responsabilité directe, civile et légale croissante, finiraient par abandonner. Trop de risque, pas assez de gain (financier, humain), trop peu de reconnaissance ? L’élu démissionne donc.

C’est, bien évidemment, l’explication la plus simple.

Il existe cependant une autre explication, beaucoup moins visible, mais certainement bien plus à même d’expliquer le mouvement global observé.

Essentiellement, il s’agit ici de supprimer en douce l’échelle locale des maires qui deviennent de simples exécutants, et ce afin de garantir que la populace locale n’ait finalement plus aucun levier sur son destin. On sait que le principe de subsidiarité fonctionne, mais on comprend aussi que cette subsidiarité bien appliquée enlève autant de pouvoir au sommet, qui en prend évidemment ombrage.

Or, plus les dirigeants sont proches des individus dont ils ont la charge (que ce soit à l’autre bout de la rue ou au centre du village, typiquement), plus ils connaissent les problèmes du cru, et tenteront d’y apporter des solutions ou, lorsqu’ils se trompent, en subiront facilement les conséquences. En revanche, plus les vrais dirigeants sont éloignés, moins ces derniers risquent l’ire de la foule et plus ils peuvent prendre de décisions désagréables, impopulaires voire vicieuses pour le peuple lointain dont ils n’ont que peu à faire, dont ils se protègent facilement et avec lequel ils ne sont plus en contact et, pour tout dire, qu’ils méprisent (le peuple pue, il roule en diesel et fume des Gitane, c’est connu).

En réalité, c’est l’illustration parfaite de l’écart croissant entre les problèmes concrets de l’écrasante majorité des Français d’un côté et, de l’autre, des décisions d’une petite clique de plus en plus déconnectée des impératifs de la vie réelle des gens du peuple (et de la province française notamment).

À force de coupure, de « tampons institutionnels » entre eux et leur base, d’intermédiaires qui, du reste, amènent leurs propres biais et filtres sur l’information qui sera fournie à l’étage supérieur, les dirigeants français se croient volontiers l’élite alors qu’ils ne représentent plus qu’une partie de plus en plus minoritaire du pays.

Et ce alors même que, comme l’expliquait un précédent billet, tout indique que cette « élite » devient de plus en plus stupide.

Le malaise des maires n’est donc pas près de s’arrêter. Parallèlement, le malaise de leur administrés envers les institutions ira grandissant. Le divorce entre le sommet de l’État et sa base, entre les administrés et les administrateurs, va continuer de s’aigrir.

Ce pays est foutu.

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Commentaires560

  1. Higgins

    Bon, c’est l’Immonde qui le dit, donc ça doit être vrai :
    lemonde.fr/planete/article/2024/10/24/climat-les-nations-unies-prevoient-un-rechauffement-de-3-1-c-a-la-fin-du-siecle-si-aucun-effort-supplementaire-n-est-fait_6359210_3244.html
    C’en est désespérant de lire de telle connerie …

      1. MissKat

        Sinon autre idées: du lancer de soupe sur les oeuvres d’Art au Louvre, couler sa main dans le béton , dégonfler les pneus des SUV.. voila des actions concrètes pour sauver le climat!

        1. sam player

          N’empêche que le lancer de soupe dénote un problème de rébellion refoulée durant l’enfance face au “mange ta soupe”, ils se vengent maintenant, encore un truc du patriarcat

    1. Aristarkke

      Ceux qui écrivent cela ont-ils le sentiment qu’ils seront toujours de ce monde dans 70/75 ans ?
      On aimerait que ces Tartuffes soient davantage saisis d’effroi devant la dette abyssale du pays qui, elle, est déjà trop présente et pas du tout hypothétique…

    1. Higgins

      Les jets de valise en carton pleine de morue sont terribles. Aucune info dans nos médias mainstream. Je l’ai su hier par hasard. On parle d’une affaire Nael portugaise où une chance pour le Portugal a été tué par la Police suite à des menaces très appuyées (légitime défense ?).

    1. Dr Slump

      Oh je le vois bien, ce que je ne vois pas, et ça n’est pas possible de le prévoir à moins d’être doué de prescience, c’est quelle forme prendra ce bordel, et quelle en sera l’étincelle, l’événement déclencheur.

    2. Habeas Corpus

      Mouais, enfin, des politiques issus eux-mêmes de l’administration, qui seraient aux prises avec une administration « hors de contrôle ». Ca me fait doucement rigoler.

    1. Dr.koala

      Devant la longue litanie de crimes et délits toujours plus sordides, la plupart des politiciens ne fait même plus semblant de réagir et les opinions publiques ont visiblement intégrées que c’était désormais la nouvelle norme. La déliquescence du pays progresse bien.

  2. Francis Lacan

    Si vous avez loupé le dernier numéro de Proceedings of the National Academy of Sciences, je vous rapporte qu’un certain John Miller et ses acolytes ont publié la démonstration expérimentale que 90% du méthane dans l’air (dont tout bon physicien sait qu’il n’a, comme le CO2 strictement aucun effet sur le climat) n’est du ni aux 4×4 GNV ni aux émanations bovines mais est généré par des microbes. Je sais, ça n’intéresse pas plus les journalistes que les policymakers, mais bon…

    1. Pierre 82

      Bof, pour l’instant ça reste une théorie conspirationniste de plus dans l’esprit d’à peu près tout le mode.
      On entend ça depuis des années et toujours rien n’en est sorti.
      Je n’imagine pas que ça puisse changer dans un délai raisonnable. Il faudra au moins attendre 50 ans avant que de timides reconnaissances officielles ne le reconnaissent.

  3. sam player

    Je ne sais pas si c’est passé ça ici au sujet de la taxation des animaux de compagnie, Aymeric Caron propose carrément l’inverse 😀

    Le fil est délirant au sens de bidonnant

    x.com/CaronAymericoff/status/1849491347981353378

    1. Pierre 82

      Effectivement, ce serait très drôle si la situation n’était pas si désespérée…
      Mais là, on est carrément dans le pathétique.

      La seule chose positive, c’est qu’il est maintenant patent que ce système a vécu, et qu’il devient urgent de se débarrasser sans regrets de ces malfaisants.
      Afuera.

  4. Rick_Enbacker

    https:/ /www.lefigaro.fr/politique/assemblee-un-depute-nfp-appelle-a-ne-plus-utiliser-l-expression-travail-au-noir-sous-pretexte-de-racisme-20241025

    Non, c’est pas le Gorafi…

    1. Rick_Enbacker

      https:/ /video.twimg.com/ext_tw_video/1849700579771064320/pu/vid/avc1/542×360/7nJB7W_d0cp_sJcw.mp4?tag=12

      Je crois que ça se passe de commentaire

  5. Capella

    J’habite un village de 300 habitants, loin des grandes villes, celui qui a le plus grand nombre de lieu dit en France . La taxe foncière augmente « raisonnablement », comparativement. Environ 100 habitants dans les fermes isolées, dont 6 fermes qui se battent en duel dans le « centre du village » avec une église et la mairie, et tout le reste agglutiné en un lotissement collé à  la ville voisine en bordure de la commune, à 5 km de l’église.
    Donc un ptit village où l’on peut facilement voir les dépenses de notre pognon.

    Bon il a fallu qu’ils mettent des dos d’ânes, chicanes et autres lampadaires dans le lotissement. Les fermes n’ont pas de lampadaire et on ‘en veut surtout pas ; C’est la joyeuseté du tout le monde paye et tous le monde profite, sauf certains.
    Et là ils viennent de depenser 49 k€ pour un chemin piéton / déplacement doux de 300 m qui part de la mairie et se termine … nul part ! Les lieu dit sont vent debout contre ça.

    J’en conclu 2 choses :
    – Avoir les pieds dans la Terre ça aide à la bonne santé du cerveau.
    – Assurément les communes ont encore beaucoup trop d’argent gratuit du contribuable, il est urgent de reduire !

    1. Higgins

      Témoignage éclairant. Ça me rappelle le village de Camopi en Guyane sur les bords de l’Oyapoc face au Brésil. Les mannes publiques étant illimitées et des crédits ayant été débloqués, l’éclairage public a été installé au cœur de la forêt…

      1. sam player

        D’ailleurs à ce sujet le Canard n’avait pas tort en annonçant il y a 3 mois 122M€ pour la cérémonie d’ouverture des JO, Bercy vient de pratiquement confirmer.

        Alors que Londres était à à peine 40M€ : ils veulent en jeter plein la vue alors qu’on n’a pas un rond, les gens de la terre ont une expression pour ça qui évoque la hauteur des flatulences

  6. UnKnown

    Le cas de démissions de maires de petites communes, c’est le canari dans la mine : l’asphyxie administrative est réelle. L’armée d’agences publiques dont le passe-temps est de codifier, CERFAtiser chaque aspect de la vie publique, chaque centimètre carré du territoire, chaque centime à utiliser, fait des dégâts pas possibles sur le terrain. La « gaôôche » cherche du pognon, elle pourrait déjà aller voir du côté de ces organismes qui sont de vrais parasites, accaparent une partie conséquente d’argent publique pour alimenter leur fonctionnement et leurs subsides, pour fliquer ce qu’ils n’ont pas pompé, et faire perdre du temps, et de l’efficacité, à tout le monde. Le réel ne compte plus, seul compte le théorique, ce qui est sur le papier. Et on nage dans des cauchemars kafkaïens quand on doit travailler pour de grosses agglomérations ou tout doit être compliqué pour le seul but d’être compliqué (10 ans à bosser dans les marchés publics me montrent une tendance vers l’accélération des demandes absurdes, et l’empilement de directives ou la folie furieuse n’est plus très loin vu la frénésie.

    1. Pierre 82

      C’est pour ça que j’ai décliné quand on m’a demandé de faire partie de la liste électorale de celui qui est maintenant maire de ma ville.
      Je n’aurais jamais pu tenir plus de 10 jours sans pousser une gueulante devant des tombereaux de conneries CERFAïques et autres.
      Et l’idée de devoir avoir affaire à des palanquées de fonctionnaires obtus sans pouvoir les gifler ni même leur gueuler dessus (il parait que c’est interdit, c’est dire si c’est n’importe quoi), c’était au-delà de mes forces. Et si en plus, il fallait se caguer des réunions avec des syndicalistes du personnel municipal, je préférais laisser ça à des gens plus patients.

      D’ailleurs je me serais brouillé définitivement avec lui en 2021 le jour où il a accepté de mettre en œuvre une salle de vaccination et de mettre des moyens municipaux là-dedans quand le préfet le lui a demandé.
      Sans être un fanatique, il était quand même persuadé que les vax servaient à quelque chose, et pensait faire bien.
      Mais pas moi. Et je veux bien transiger sur quelques trucs, mais là-dessus, surtout à cette époque où j’étais vent debout, c’était niet.

      La politique, c’est clairement pas pour moi.

      1. Capella

        Et c’est bien pour cette raison que le système de démocratie représentative est en effondrement total, toute personne sensée ne peut y survivre.
        Seuls les psychopathe, corrompus et profiteur peuvent y survivre et ont la patience de supporter cette administration ubuesque car ils savent en tirer un profit personnel.
        Ce pays est donc foutu.

        1. Pierre 82

          Je ne sais pas si le pays est foutu.
          Le régime, oui, il est en train de couler à pic.
          Le peuple, lui, finira toujours par s’en tirer. Regardez l’histoire, vous verrez qu’on est passé par bien pire.
          La débâcle de 1940, par exemple…

    2. bob razovski

      Il y a un souci à partir du moment où la mairie ne peut pas payer l’agence ou le cabinet qui sera en charge de tout ce merdier normatif.
      C’est un autre moyen de tuer les petites municipalités.
      Car pas plus que dans les petites, les grandes ne se prennent la tête avec les conneries de l’agenda x ou y. Mais elles ont les moyens de payer les agences en question.
      Résumé : la loi tombe, ça gonfle tout le monde, des agences débarquent dans les mairies pour dire qu’elles vont se charger de tout moyennant oseille, les gros payent, les petits non.
      Pour les gros, entre 6 mois et 1 an après, présentation du rapport en commission, puis vote au conseil municipal.
      Pour les petits, commence alors un long marchandage avec la pref.

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