Comment ne pas être ennuyeux

Demaerd Inc., la société multinationale tentaculaire à tendance monopolistique, vient à nouveau de faire parler d’elle en lançant une nouvelle méthode de self-management très controversée : Comment Ne Pas Être Ennuyeux…

De nos jours, pour ne pas être ennuyeux dans une conversation en société, il faut respecter quelques règles simples de conversation qu’il est bon, parfois, de répéter ou de faire découvrir à nos plus jeunes lecteurs.

Au fil du temps, il apparaît en effet que certaines façons de procéder ne permettent pas de passer pour “un type bien”, ou d’entretenir une “intéressante conversation”. Ceci est d’autant plus vrai que l’on se retrouve souvent avec des gens qui ne se connaissent pas forcément ; et bien souvent, les conversations, quand elles ne sont pas engluées dans un rapport purement professionnel et qu’on aura su éviter l’écueil des constatations météorologiques navrantes, dérapent vite dans le commentaire d’actualité.

Or, en cette époque trouble, l’actualité est plus que souvent occupée par les frasques d’un nombre restreint d’olibrius empaillettés, les marivaudages ridicules du couple princier présidentiel, les turpitudes des politiques ou les petites magouilles grossièrement exécutées des principaux chefs de parti à l’approche d’un scrutin qui, on s’en doute, va laminer les crétins de droite sans réel profit pour les abrutis de gauche.

Dès lors, et comme en France le clivage droite-gauche est aussi aigü qu’artificiel, la conversation peut rapidement tourner au choc frontal des tenants d’une ferme politique de droite socialiste contre leurs opposants, ancrés dans une solide politique de gauche socialiste.

Et c’est d’autant plus vrai qu’on est libéral : chaque époustouflante niaiserie sortie par le quidam moyen mollement social-démocrate dans une conversation politique ajoutera l’envie de lui ajuster un argument retentissant dans les naseaux, ce qui ruinerait la bonne ambiance Ferrero-Rocher qui règne jusqu’alors. Et chaque poncif éculé approche le moment fatidique où, verre de champagne ou de banga dans les mains, on décide d’en finir une fois pour toute avec la vie en s’étouffant avec un bretzel.

Pour éviter cette situation pénible (un bretzel, ça racle la gorge), l’application de principes de base s’impose rapidement.

Le premier, essentiel, tient en trois mots : Ne Pas Réfléchir. En effet, une conversation où votre interlocuteur commence avec un gentil “Ségolène Royal a demandé à la S.G. de rendre les milliards perdus” (version gôche) ou un timide “Sarkozy veut annuler la publicité sur les chaînes publiques” (version droâte) peut devenir une conversation des plus innocentes tant que vous n’approfondissez ni le sujet ni les arguments rase-moquette de votre interlocuteur qui, de son côté, tente lui aussi de s’en tenir aux poncifs douillets qui ne font pas mal. D’ailleurs, si vous avez vous même votre panoplie de lieux communs éculés, c’est le moment de vous en servir. Vous pouvez à ce propos réutiliser les phrases Demaerd ci-après, libres de droits, qui s’insèreront parfaitement dans votre conversation pour le plus grand plaisir de votre interlocuteur : il les retrouvera dans ses consternants pépiements oiseux comme le jeune baigneur son petit canard en plastique jaune, rassurant de par ses formes rondes, sa couleur et sa tête toujours hors de l’eau.

  • “Le coût de la vie ne cesse d’augmenter ; il est temps que le gouvernement agisse.”
  • “Ils nous détraquent le temps avec leurs satellites et leurs usines qui polluent : regardez, mes pétunias n’ont pas encore fleuri en cette saison, c’est vraiment anormal.”
  • “Ah, vraiment, la santé, c’est le plus important. Et comme ça coûte cher, il faut bien que tout le monde participe.”
  • “Il est évident qu’il faut combattre le capitalisme sauvage responsable du réchauffement climatique et des enfants qui cousent des Nikes”
  • “Avec ce qu’on voit aux infos, pas de doute, l’humanité court à sa perte: un cataclysme aura lieu, c’est sûr.” , qu’on pourra habilement combiner avec “Même si dans les infos, on découvre parfois des déficits abyssaux, l’état ne court pas de danger : aucun risque de ce côté là, il est solide !”.
  • “Franchement, ce qui nous pend au nez, c’est une bonne <guerre, récession, catastrophe, réforme>” en fonction de l’interlocuteur, ou, plus amusant, de votre humeur (le panachage est possible).

Le second principe essentiel consiste à Etre Solidaire : on vous parle de la gourdasse de Colombie, du député gastro-coincé des Landes partant à l’assaut des délocalisations locales, de l’écocolo-bidon de Bègles, du moustachu décérébré de la phalange extrémiste des bousilleurs de fast-food, de la pétasse du Poitou ou – ultime affront – des dernières actions chaleureuses et citoyennes du facteur de Neuilly ? Acquiescez ! Soyez d’accord !

Mieux, montrez-vous solidaire des actions entreprises, et rajoutez-en dans la prise de conscience que ces tristes personnages vous ont occasionné. Proposez ainsi à votre interlocuteur de participer à l’arrachage volontaire des platanes de la préfecture toute proche, dont le pollen est une véritable nuisance aux allergiques alentours. Demandez-lui avec insistance de participer à votre grève de la faim pour que – enfin ! – on libère Bétancourt (alternative : vous lui demandez de payer la moitié de votre billet d’avion A/R pour Bogota dans le cadre d’une opération de protestation massive et sonore contre le gouvernement Uribe, responsable d’avoir poussé les FARCS dans leurs derniers retranchements et à la prise d’otage)…

Enfin, troisième principe essentiel : N’Ayez Aucune Consistance Interne. Ne tenez pas compte de ce qui a été dit plus tôt dans la conversation, que ce soit venant de vous ou de votre interlocuteur ; n’essayez pas d’être cohérent ou d’enchaîner un raisonnement en utilisant les principes de bases de la logique : plus que probablement, votre interlocuteur sera noyé dès la première implication. Et surtout, ne répondez jamais aux arguments collectivistes par quelques remarques de bon sens qui ruineront, à coup sûr, la bonne entente opaque qui régnait jusque là. Non : étayez avec votre nouvel ami la vision qu’il a lui même développée. Partant, par exemple, d’un système de couverture sociale total et gratuit, qu’on imposera à tous sans même utiliser la voie démocratique, il devient aisé d’aboutir à une conversation sur les bienfaits d’une bonne dictature totalitaire qui, si elle est amenée correctement dans la conversation, permettra à votre aimable cobaye de signer des deux mains pour la mise en place de goulags dans le Pas-de-Calais.

Avec cette méthode, plus de dîners en famille médiocre, plus de conversation molle sur la forme des nuages, le furoncle de PPDA ou les tics de Sarkozy. Chaque interlocuteur devient un véritable champ de découvertes renouvelées, une expérience de Milgram en modèle réduit où, progressivement, on en vient à trouver que l’instauration d’un système officiel de propagande est superchouette, que la disparition de la vie privée au profit d’une vie publique sans bornes a des aspects tro2LaBalle, ou que l’obtention d’informations par la torture, c’est mégachouki.

Encore une fois, on peut remercier Demaerd Industries d’avoir réussi à synthétiser ces quelques principes de bases dans un ouvrage clair et pas cher, disponible bientôt dans toutes les bonnes librairies : au rythme espéré de diffusion de l’ouvrage, la France toute entière parlera d’une seule voix gluante dans moins de douze mois !

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Commentaires8

  1. geo

    N’est ennuyeux que celui qui parle, écrit (je suis donc ennuyeux) alors à bientôt……….Mde (mort d’ennuis)
    salut

  2. bibi33

    "du député gastro-coincé des Landes partant à l’assaut des délocalisations locales."

    Moi délocalisation locale et députe gastro-coincé ça me fait penser au capitaine blâme qui est député des pyrénnés atlantique.

  3. Ozenfant

    H16, t’es un génie, t’as parfaitement décrit la France des idées reçues clivatesques, de la pensée unique merdiatique et des jugements de valeur des militants sectaires pléonastiques. Ton texte aurait pu s’intituler:
    "Pour tous ceux qui n’ont pas réussi, gâcher le bonheur des autres, c’est réussir un peu" (De Flers)

  4. Laglute

    Vous allez rire, sur Rance 3-Pravda, ils viennent d’annoncer une manifestation de la nuit solidaire pour le logement !!!

  5. Phantom O

    Etre hypocrite et mentir à soi-même pour être bien intégré dans la société, c’est un vrai sport pour un libéral! 😀

  6. tom

    "Dès lors, et comme en France le clivage droite-gauche est aussi aigü qu’artificiel, la conversation peut rapidement tourner au choc frontal des tenants d’une ferme politique de droite socialiste contre leurs opposants, ancrés dans une solide politique de gauche socialiste."

    Tu viens de résumer la vie politique française en 4 lignes.

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