Tickets restaurants et petits câlins

L’actualité ne laisse aucun doute : à mesure que les éléments naturels et la réalité, compacte et inévitable, se font moins tolérants, la France accélère sa course folle à torcher et langer des cul de citoyens festifs.

Pourtant, les faits sont là :

  • la dette n’est plus un sujet de froncement de sourcils, mais bel et bien l’éléphant au milieu du salon dont tout le monde ne peut plus ignorer la présence, d’autant que le mastodonte écrase délicatement les biscuits de grand-mère.
  • les retraites ne vont bientôt plus pouvoir être payées normalement : au rythme où les déficits se creusent et malgré les abominables magouilles pour cacher les régimes spéciaux,  il va sérieusement falloir remettre le système à plat, et arrêter de faire dans la micro-chirurgie.
  • l’économie mondiale, censée se retourner et repartir joyeusement à la hausse, n’en finit pas d’avoir des soubresauts, et les petits reflux gastriques dont elle souffre n’augurent rien de bon.
  • quand il pleut, quand ça vente, quand ça mouille et quand ça déborde, parier sur les institutions républicaines pour gérer le bazar, l’anticiper ou le prévenir, c’est risquer gros.

Au passage, il est piquant de constater que certains journalistes qui, en 2005 et lors du passage de Katrina, avaient fustigé l’absence d’état à la Nouvelle-Orléans, se sont retrouvés dans la position de l’encenser en France (oui oui, les deux articles en lien relatent bien les rots mentaux du même Joffrin, trou du cul pétaradant d’un organe de presse sous subvention étatique) alors que, globalement, le bilan est exactement le même : digues mal entretenues pourtant du ressort de l’état, maisons noyées alors que des lois existent pour prévenir ce risque dans les deux états, des morts dans les deux cas…

Bref : la réalité n’est pas rose, il y a, réellement, matière à discuter sérieusement du fond d’un certain nombre de sujets prégnants.

L’heure est donc grave. Mes lecteurs réguliers savent que je brûle de remplacer “grave” par “désespérée” (parce que je suis un gros méchant pessimiste, CPEF oblige), mais soyons optimistes deux minutes et partons du principe que la lumière au bout du tunnel existe et qu’elle ne sera pas coupée en dehors des heures d’ouverture pour raisons écologiques.

Alors la République et tout ce qu’elle compte d’hommes et de femmes importants se réunissent et discutent, pour, enfin, aboutir à des décisions fermes, claires, braves et courageuses.

Et là, ça dépote sévère : en face de ces problèmes, on va, rien moins :

Je vous avais prévenus : au moins, on n’y va pas par quatre chemins, la République, devant l’adversité, va vite vite distribuer des câlins et des plateaux repas.

Invisible sandwich

On se croirait dans un TGV-Atlantique de la SNCF coincé pas loin de la Ferté-Bernard, en rase campagne, pendant qu’un contrôleur du bord annonce dans l’interphone, dans ses mots à lui, si touchants et un peu en vrac, que bon ben heu la motrice est en panne et heu merci de ne heu pas descendre sur les voies hein, heu il reste quelques sandwichs en voiture bar et heu je vous informerai quand heu – blanc de dix secondes – merci de votre attention.

C’est d’ailleurs assez typique, en France : quand il y a un souci, on introduit rapidement de la nourriture dans le débat histoire de ne pas perdre les vrais repères. Sandwichs SNCF pour les uns, petits fours pour les autres, l’important est de parler ou de s’affoler la bouche pleine.

Par exemple, les petites saillies de Sarkozy sur les fonctionnaires qui – pov’chous – seraient mal traités : vrai ou faux, peu importe. Il va falloir, à un moment ou un autre, tailler lourdement dans les effectifs, diminuer les traitements, revoir de fond en comble les régimes spéciaux. Et oui, cela va faire mal.

Mais non, là, on préfère un gentil câlin, des mots doux, et faire durer le plaisir. Comme cela dure depuis au moins 20 ans maintenant, on sait déjà ce que cette méthode va donner : rien. Ou plutôt, on aboutira, au premier mouvement esquissé, à une grève générale et une paralysie du pays, avant l’interruption total du début de mouvement commencé trop hâtivement.

L’autre méthode commence elle aussi par la paralysie du pays, mais au moins, on sait pourquoi.

Et pour la fanfreluche sur les tickets restaurants – au passage, je tiens à remercier le lobbying des maraîchers pour avoir amoindri encore un peu plus le pouvoir d’achat des Français modeste – comme celle des restau-U, on se demande si le gouvernement n’a pas d’autres chats à fouetter que régler des choses qui, si elles ne sont pas parfaites, relèvent, au mieux du détail, au pire, du bricolage circonstanciel avec tout ce qu’on peut supposer de tractations en coulisses.

En général, au bout de deux longues heures à regarder la pluie tomber au travers de l’épaisse vitre du TGV, ce dernier repart, à la vitesse d’une vieille motrice diesel, alors que l’interphone de bord crachote un nouveau message improbable du contrôleur pour prévenir les passagers qu’il n’y a plus de sandwichs au bar et qu’on aura trois heures de retard à peu près et ne sortez pas sur les voies merci.

Autrement dit, ça finit par se débloquer.

Avec la situation française, cependant, j’ai bien du mal à voir d’où viendra la loco diesel. Les messages du contrôleur sont de plus en plus confus. Je soupçonne que le hachage des mots ne provient pas d’un problème d’élocution mais simplement du fait que celui-ci nous parle depuis son GSM, à une distance de plus en plus respectable, et qu’il a depuis longtemps quitté le bord pour rejoindre, par ses propres moyens, la civilisation ou un abri tranquille.

Un jour, peut-être, entendrons-nous quelque chose comme “Oui, ici, c’est le contrôleur : si vous voulez regarder la route à droite de la rame, vous y verrez une voiture et une conductrice blonde ainsi qu’un passager, installé confortablement. C’est votre contrôleur, et je vous dis au revoir et bon courage.

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Commentaires12

  1. Mr T

    LOL vous ne croyez vraiment pas si bien dire pour le coup à propos de la SNCF. Ma mère a fait un aller-retour en train couchettte ce week end… bilan 5h (!) de retard au retour, avec notamment un arrêt en pleine campagne au motif suivant :

    “Des olibrius tirent sur le train avec des armes à feu, donc on s’arrête, euh…”

    Bon ba au moins on sait qu’à la SNCF les conducteurs de train carburent au LSD, ça explique pas mal de choses. Celle là je dois avouer qu’on me l’avait encore jamais faite.

  2. Omer

    “…vous y verrez une voiture et une conductrice blonde ainsi qu’un passager, installé confortablement…”

    J’ai cru comprendre que lors de la dernière panne du TGV dans le tunnel sous la Manche, les VIPs (politiciens, escrocs, call girls etc.) avaient été évacués en limousines par le tunnel de service, dans le plus pur style du sauvetage des passagers de première classe du Titanic…

    1. CPM

      Tu pourrais t’excuser auprès des call-girls.
      Ce n’est quand même pas sympa de les juxtaposer avec les deux autres catégories. Elles ne volent personne, elles…

    2. Monoi

      Ayant eu ma femme et plusieurs amis coinces 24h pour prendre le tunnel a Douvres et Calais, et ayant entendu le bordel que c’etait des 2 cotes, ca m’etonnerait beaucoup qu’ils aient reussi a evacuer qui que ce soit.

  3. Flo

    C’est le sens civique qui nous sauvera (ou pas).
    Histoire vécue :

    L’an dernier le MARDI de Pâques je veux prendre le train à Auray (Morbihan) pour rentrer sur l’idf.
    Tous les TGV qui s’arrêtent à Auray complets. Bon, TER (1h45)+TGV à Rennes.

    La préposée me dit sans rire: “pour le TER (qui vient de Quimper) il n’y a pas de place attribuée mais ne vous inquiétez pas, ça ne veut pas dire que vous aurez un strapontin pour vous assoir”.

    Le train arrive et je confirme : pas de strapontin, pas de place assise non plus. En fait tu choisis : tu voyages sur tes deux pieds avec ton bagage à la main ou tu pose ton bagage et tu voyages en alternant pied droit / pied gauche car il n’y a pas la place de poser les deux !

    A un jeune chevelu rebelle qui ose interpeller le chef de gare pour lui demander (poliment) si tout ça est bien normal rapport à la sécurité tout ça tout ça, le charmant homme répond “Si ça ne vous va pas descendez et prenez le suivant”.

    L’omnibus démarre son trajet vers Rennes. Après plusieurs arrêts sur notre chemin se trouve la charmante localité de Redon. Et là annonce hallucinante en gare:
    “Mesdames, Messieurs, comme vous (et les pieds de certains, qui ont pourtant payé plein tarif) pouvez le constater ce TER est bondé. Pour votre confort, nous demandons aux passagers dont la destination finale est Rennes de bien vouloir descendre du train et d’utiliser les cars mis à leur disposition par la SNCF et qui les conduiront jusqu’à la gare de Rennes. Merci de votre compréhension et de votre CIVISME”!

    Et là un véritable mouvement de foule se déclenche dans mon wagon, les gens qui sont montés avant Auray et qui s’arrêtent à Rennes, qui ont mis leur bagages dans les porte-bagages et après avoir eux aussi payé plein tarif voyagent dans des conditions normales se précipitent pour sortir de ce train. Alors qu’il ne leur restait que 35 minutes de train pour rejoindre Rennes ils préfèrent montrer leur sens CIVIQUE et prendre des cars qui, si tout va bien, les déposeront en gare de Rennes 2 heures plus tard.

    Non je rigole, personne n’a bougé sauf les zygomatiques en écoutant l’appel au “CIVISME” et ceux qui sont montés s’entasser dans le TER en gare de Redon (enfin si, une personne est descendue parce qu’elle s’arrêtait là).

    1. Flak

      note a l’attention des froncais: si tu peux finir ta phrase par ‘OU PAS’,c’est probablement que tu aurais mieux fait de fermer ta gueule.

    2. Hoho

      Les TER fonctionnent en logique binaire : ils sont soit complétement vides, soit pleins a craquer. Je me souviens de trajets en TER ou cela tenait plus du wagon a bestiaux qu’autre chose.

  4. douar

    Je viens d’entendre à France Inter que la majorité des grecs se font une raison quant au serrage de ceinture annoncé. Chez nous en France, en lisant la pub politique pour les régionales, ça n’a pas l’air d’être à l’ordre du jour, c’est rassurant…

    1. Mr T

      De nouveaux mouvements syndicaux / grèves / manifestations sont annoncés, j’appelle pas trop ça “se faire une raison”…

  5. Tabs

    En parlant de câlins empoisonnés faits par les gouvernements, les grecs déchantent en ce moment.

    http://www.lemonde.fr/europe/article_interactif/2010/03/05/en-grece-trop-c-est-trop_1314790_3214.html#ens_id=1268560&xtor=RSS-3208

    A lire, les témoignages de pauvres petits fonctionnaires grecs qui gagnent plus de 2500 euros par mois, avec un 13ème et un 14ème mois, et qui se décrivent comme “pauvres et sans espoir”.

    Le meilleur reste encore le coup des primes qui représentent plus de 50% du salaire et qui représentent, je cite : “une compensation des gouvernements qui ne voulaient pas augmenter les salaires !”.

    Une bonne tranche de rigolade… sauf si vous êtes fonctionnaire grec et qu’on vient de vous réduire votre 14ème mois (dans ce cas : snif snif, vite, grev’générale, paralizidetoutlepays, amortlesmechantslibérauxultracapitalistes, onveuplusdemoyens …)

    A rester trop longtemps sans avoir les pieds sur terre, on se casse la gueule.

  6. Théo31

    Il y a quelques mois, j’ai été obligé (jambe plâtrée) de prendre le TER pour me rendre à mon domicile. J’avais une correspondance à prendre à Colomiers, à une dizaine de kilomètres de Toulouse. Quand j’arrive, la correspondance s’était déjà barrée. Là, deux jeunes filles partent gueuler au guichet, le préposé les envoie chier et leur balance une pancarte “fermé” à la figure. Ce qu’elles n’ont pas vu à ce moment-là, c’est que le préposé en profitait pour réceptionner une pizza. Les deux gamines voulaient écrire à la direction de la SNCF. Je leur ai dit que c’était inutile, puisque leur lettre finirait directement dans une poubelle. Résultat des courses : 2 h 30 pour faire 50 km.

    “Il va falloir, à un moment ou un autre, tailler lourdement dans les effectifs”

    Ah lala, ce jour là, c’est clair, j’aurai un début d’érection sévère.

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