Et puis les Français aiment tendrement l’impôt des autres

Comme prévu, il y a bien du vent dans les voiles, un de ces petits zéphyrs revigorants qui donnent aux cours de bourses un air joyeux de fanion volant délicatement au milieu de jolis nuages roses pour aller finir sa course dans une mare putride. Et pour une fois, attardons-nous goguenard sur la danse étrange que fit ce fanion dans la journée du 13 septembre.

Pour une fois, il n’y aura même pas besoin d’analyser quoi que ce soit de l’actualité. Les titres et les dépêches se suffiront à elles-mêmes pour résumer une journée qui se passa dans la plus parfaite et totale confusion.

Mardi, entre 8:00 et 9:00, les premières dépêches d’agences et de journalistes rapportent que les bourses européennes devraient ouvrir dans le vert. Ça rebondit joyeusement, titre-t-on en substance (je ne garantis pas la durée de vie des liens, mais on trouve ceci par exemple :

“La Bourse de Paris devrait ouvrir en hausse mardi, parvenant à rebondir après deux séances noires”

Vers 9h30, les petits cabris boursiers, de petits bonds en sauts élastiques et rigologènes, ont lentement mais sûrement descendu les paliers pour revenir bien vite à 0. Ça se crispe. Et rapidement, la Bourse de Paris va continuer à rebondir, toujours plus fort, toujours plus bas pour atteindre des -4%. Par rapport à la veille où nous tripotâmes là encore le -4%, le rebond n’était donc plus tout à fait d’actualité.

Pendant ce temps, les valeurs bancaires tentaient sans hésiter les plongées en apnées les plus rocambolesques. Entre la Société Générale, cette banque dont le PDG s’époumone partout à dire qu’elle est solide, qui s’est tout de même pris un -10% en séance, et la BNP Paribas qui, dans le silence feutré de ses dirigeants, a clairement flirté avec le -12%, les bancaires ont clairement passé une matinée dans les abysses boursières.

Bourse du 13/09/2011 : ça c'est du rebond !

Mais rassurez-vous : le feuilleton continue puisque, toujours dans la même journée, nos valeureuses banques se sont bien vite remises de leurs émotions pour regrimper aussi sec à la faveur d’un vent favorable sur Paris. Pendant que le CAC, ragaillardi par … par … on ne sait trop quoi, la Sogé reprenait un bon 12% et la BNP revenait dans le vert.

Une séance amusante puisqu’au final, les banques auront oscillé entre -12% et +14% . Parions que ce soir-là, plus d’un pantalon de trader fut bon à jeter à la poubelle, le fond définitivement irrattrapable.

Mais tout ce cirque tragi-comique à la bourse n’est, au final, qu’un amuse-bouche lorsqu’on voit ce qu’en ont fait nos sympathiques dirigeants.

Dans une avalanche de communiqués non-confirmés puis de déclarations annulées suivies de conférences téléphoniques hypothétiques et de discours ou d’allocutions présumée, ils ont montré leur parfait sang-froid, leur maîtrise impeccable du moment et le sérieux avec lequel les affaires du pays étaient menées.

Et grâce à une presse dont les qualités et le service rendu ne sont plus à vanter, nous avons eu droit, en ce mardi, à une véritable Enfilade de Pignouferies de Presse sur toute la journée.

Prenons le cas de l’Italie.

Si on s’en tient à ce que les sources informées de cette presse nous indiquaient en début de journée, il semble clair que la Chine serait sur le point d’aider l’Italie en rachetant ses bons du trésor. Mais bon, par prudence, on ajoute bien vite que cette rumeur n’est pas confirmée. D’ailleurs, ça tombe bien, quelques heures plus tard, c’est même infirmé. On a des Italiens qui vont en Chine. On a des Chinois qui vont en Italie. Ca parle gros sous. Mais surtout, surtout, personne ne doit savoir si, finalement, les Chinois rachètent de la dette Italienne ou pas.

D’un autre côté, si la BCE ne la rachète pas elle-même, pourquoi les Chinois le feraient-ils ?

On sent la nervosité autant du côté des agences de presse que des traders en salle de marché… Nervosité qui se traduit, pour le cas de la France, par cette valse-hésitation particulièrement symptomatique : d’un côté, France 2 nous apprend que Sarkozy pourrait parler (sous la torture ? Oh, ce n’est pas son genre, pourtant !) … Avant que la rumeur soit démentie, plus ou moins formellement ; la déclaration de Sarkozy seul, ou conjointe Merke-Sarkozy, s’est transformée en téléconférence avec Papandréou. Et même si on comprend qu’il s’agirait de parler de la situation générale, on ne sait pas si l’Elysée va nous déclarer un truc fumant sur les banques ou sur la Grèce ou sur les Euro-bonds.

Pour rappel, pour les Euro-bonds, c’est non, non et non et re-non surtout pas, pas question non et non. Et … bon, ok.

Notez que sur la question de la nationalisation des banques, pour le moment, c’est non et non et … bon ça s’étudie.

Vous voyez : les élites sont restées calmes. Les journalistes aussi. Les traders aux nerfs d’acier ont clôturé leur journée en hausse et les bancaires pètent dans la soie. Tout va donc pour le mieux.

La Grèce ne fait pas faillite.
Les banques sont solides.
Les politiciens sont crédibles.

Et les journalistes font leur travail, en aplanissant au bulldozer éditorial les futurs obstacles à la sodomie sauvage de millions de contribuables : regardez, nos gentils moutontribuables aiment l’impôt (des autres, des riches, des vilains, de ceux qui ne sont pas comme eux, pauvres). Dans cet article du Figaro, on ne distingue plus vraiment ce qui tient de la profession de foi, de l’analyse ou du simple pipeau à visée électorale… C’est aussi ça, l’information d’un grand quotidien qui roule pour l’oligarchie en place.

Alors oui, certes, le Français semble attaché à son état obèse qui fournit un service de merde pour un prix indécent, dans une marée montante de gaspillages et de scandales financiers et en plein milieu de la plus grosse tempête boursière et économique que l’Humanité ait connue. Mais une majorité de Français semble encore croire qu’on peut réduire les déficits autrement que par l’impôt, par exemple en baissant les dépenses de l’Etat. Des fous, sans doute.

Salade journalistique ? Sentiments diffus d’insécurité boursière ? Jets sadiques d’huile sur le feu ? Pignouferies détendues de la dépêche ? Mélange de tout ça ?

WTF ?

Sérieusement. WTF ?

J'accepte les BTC, ETH et BCH !

1BuyJKZLeEG5YkpbGn4QhtNTxhUqtpEGKf

Vous aussi, foutez les banquiers centraux dehors, terrorisez l’État et les banques en utilisant les cryptomonnaies, en les promouvant et pourquoi pas, en faisant un don avec !
BTC : 1BuyJKZLeEG5YkpbGn4QhtNTxhUqtpEGKf
BCH : qqefdljudc7c02jhs87f29yymerxpu0zfupuufgvz6
ETH : 0x8e2827A89419Dbdcc88286f64FED21C3B3dEEcd8

Commentaires24

  1. Alex6

    La journee d’aujourd’hui me semble bien partie dans le meme style…
    Une chose que j’ai tres peu lu dans la presse; ce type de volatilite est un extremement mauvais signe pour la suite.

  2. Pere Collateur

    Parallèlement à ca, on a l’euro qui se prend un pile à 1.35 $.
    Du coup la Suisse qui veut maintenir un taux de change à 1.20 euros doit être en train de faire chauffer à fond son epson stylus ^^

  3. Karizoc

    Je ne retiens qu’une phrase :

    “Le Français semble attaché à son état obèse qui fournit un service de merde pour un prix indécent, dans une marée montante de gaspillages et de scandales financiers et en plein milieu de la plus grosse tempête boursière et économique que l’Humanité ait connu.”

  4. Théo31

    Le un an grec a pris 40 unités dans la gueule hier pour atteindre 135 %. Plus forts les Suédois ces Grecs !

    Il y a trois espèces que je ne j’ai jamais vues dans ce pays :
    – les skinheads
    – les électeurs de Sarkommuniste Ier de 2007 : ils étaient quand même 53 % à lui filer le droit de couler ce pays. Et par enchantement, ils se sont tous volatilisés.
    – ceux qui veulent payer des impôts et qui font régulièrement des dons au Trésor Public en dehors de leurs échéances fiscales.

    Faudra m’expliquer comment des journalistes qui ne sortent jamais de leur bureau rencontrent régulièrement des représentants de ces trois espèces.

    1. Calvin

      Euh, les skinheads, il y en a… un peu, ou alors il y en a eu… un peu.
      Les électeurs de NSK (Nicolas SarKomunist) se sont effectivement évaporés, mais je te rassure, 100% des électeurs de 2007 ont choisi au 2ième tour deux candidats pour leur filer le droit de couler le pays.
      Pour la dernière espèce, je ne comprends pas pourquoi ça devrait exister : tu vas donner de l’argent à des racketteurs, toi, s’ils ne t’en réclament pas ??

      Au final, ta conclusion est réelle : ce ne sont plus (seulement) les politiciens qui sont déconnectés de la réalité, les journalistes dépassent largement.

  5. Calvin

    H16 : “Mais une majorité de Français semble encore croire qu’on peut réduire les déficits autrement que par l’impôt”

    Je viens de lire le lien que tu as donné :
    “54 % des français pensent que la dette et le déficit sont ‘un problème très grave qu’il faut attaquer sans attendre’, selon un sondage réalisé par l’Ifop. MAIS 59 % pensent que la solution n’est pas d’augmenter les impôts.”

    J’adore le “…Mais 59% pensent que…”
    Le journaleux aurait pu écrire “Et 59%” ou “Or 59%”.
    Il a utilisé ce ‘mais’ pour ce qu’il croit être une contradiction, sous-entendu : “ok, vous préférez que l’on s’attaque à la dette, DONC il faut payer plus d’impôts…”
    Il ne lui vient pas à l’esprit qu’il y a une autre voie.

    De plus (‘Mais’, aurais-je pu dire), Reagan a prouvé qu’en diminuant le taux d’imposition, l’Etat obtenait plus (+) de rentrée fiscale…

    1. Théo31

      “J’adore le « …Mais 59% pensent que… ”

      En fait, il voulait écrire “mais qui va payer ma subvention si on tape dans les dépenses financées par l’argent gratuit des autres ?” 😀

  6. Higgins

    Il y en a pourtant que la situation rend pessimiste (on se demande bien pourquoi):
    “La Pologne évoque le risque d’une guerre. Le ministre polonais des Finance, Jan Vincent-Rostowski, a évoqué ce matin le risque d’une “guerre” à moyen ou long terme en Europe si la crise de l’euro devait conduire à l’éclatement de l’UE. “Si la zone euro se fissure, l’UE ne sera sans doute pas en mesure de survivre avec toutes les conséquences dramatiques que l’on peut imaginer”, a-t-il déclaré devant le Parlement européen à Strasbourg. “La grande réalisation de l’Europe, c’est la paix politique, mais elle n’est pas éternelle. Si on ne prend pas les bonnes décisions, l’Histoire peut se retourner contre nous dans un mauvais sens”, a-t-il conclu. La Pologne assure actuellement la présidence tournante de l’Union européenne.” (http://www.letelegramme.com/ig/generales/economie/crise-de-la-dette-la-pologne-evoque-le-risque-d-une-guerre-14-09-2011-1430006.php)

  7. BA

    En 2010, combien d’euros ont gagné les banquiers français ?

    Frédéric Oudéa (Société Générale) a gagné 4 350 000 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Baudouin Prot (BNP Paribas) a gagné 2 713 015 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Laurent Mignon (Natixis) a gagné 2 007 784 euros.

    Pierre Mariani (Dexia) a gagné 1 809 411 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Jean-Paul Chifflet (Crédit Agricole) a gagné 1 805 731 euros.

    François Pérol (Banque Populaire – Caisse d’Epargne) a gagné 1 606 000 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Michel Pébereau (BNP Paribas) a gagné 1 411 284 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Michel Lucas (Crédit Mutuel) a gagné 1 113 195 euros.

    Patrick Werner (La Banque Postale) a gagné 710 712 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Etienne Pflimlin (Crédit Mutuel) a gagné 630 141 euros. C’est un ancien élève de l’ENA.

    Jean-Marie Sander (Crédit Agricole) a gagné 359 031 euros.

    http://www.lesechos.fr/diaporamas/voir_diaporama.php?id_diap=DIAP290411932_114660

    1. Flo

      Tous ceux de cette liste qui sont d’anciens élèves de l’ENA ont aussi été inspecteurs des finances, sauf peut-être, celui du Crédit Mutuel qui n’est que fils de ministre.
      Ca doit être une sacré clique d’ultra-libéraux comploteurs anti-Etat!

  8. Stéphane

    La Grèce ne fait pas faillite.
    Les banques sont solides.
    Les politiciens sont crédibles.
    La guerre c’est la paix.
    La liberté, c’est l’esclavage.
    L’ignorance, c’est la force.

    1. Malheureusement, c’est un peu ce que c’est : une nomenklatura qui s’éloigne très vite des contingences matérielles et sait qu’il faudra en passer par des phases très douloureuses pour le peuple tout en prétendant le contraire.

  9. Nord

    “When you are going through hell, keep going” disait Churchill (enfin il me semble); cette phrase est à double sense bien sur car on peut “keep going” en tournant en rond. Et je ne sais pas pourquoi, vous allez dire que je médis, mais c’est plus qu’une impression: politicards et journaleux se paient tour de manège après tour de manège … qui sait? l’un d’entre eux essaie peut-être d’attraper la queue du Mickey?

    Tiens, à propos de l’Allemagne, Merkel etc (faut lire l’Allemand): http://www.ftd.de/

    @BA – génial ton post, bravo!

    1. Il n’a pas les bons chiffres sur les banques, n’a pas la bonne analyse sur l’origine de la crise, réclame de la régulation (oh, étonnant), une baisse autoritaire des loyers, explosion de la TVA, bref, du n’importe quoi en barre.

Les commentaires sont fermés.