Un fichage presque parfait

Stupéfaction : si nous sommes, apparemment, tous fichés, la qualité du fichage et son utilisation sont particulièrement sujettes à caution. La récente affaire toulousaine démontre fort bien l’écart entre la réalité de terrain et le rêve humide de certains d’avoir une population entièrement sous contrôle. Cependant, tout indique que ce fichage complet et permanent, aussi redouté par certains que souhaité par d’autres, n’est pas seulement possible, mais qu’il est inéluctable…

En l’espace d’une ou deux dizaines d’années tout au plus, on est passé d’un monde où la rétention d’informations coûtait cher, à un monde où non seulement, cette rétention n’est pas chère, mais elle peut même rapporter gros. D’autre part, le nombre de créateurs d’information a, littéralement, explosé, et ce d’autant plus que les moyens de production se sont démocratisés et que les moyens de stockage, parallèlement, sont devenus complètement banals.

Les moins jeunes d’entre nous ont certainement entendu parler de cette époque arriérée où l’informaticien moyen se battait pour avoir un octet supplémentaire dans une base de données, et où la colonne d’information supplémentaire coûtait cher. L’illustration en fut d’ailleurs le stockage sur seulement deux chiffres de l’année dans une date, qui provoque encore épisodiquement quelques petits sourires lassés des gens du métier sur le mode “Ah la la, quel chipotage !”…

De nos jours, la moindre carte à puce peut contenir plusieurs milliers de kilo-octets d’informations. La moitié des individus sur cette planète dispose d’un téléphone portable et peut donc stocker rapidement des centaines de numéros de téléphone, des adresses, des messages courts, voire des photos, des conversations, des vidéos. Chacun de ces téléphones constitue d’ailleurs un moyen assez fiable de connaître la position approximative de ces individus, et les logiciels espions qui s’installent sur ces appareils sont légion.

Parallèlement, le stockage pour les particuliers et pour les entreprises est devenu à la fois une préoccupation quotidienne et une banalité économique : d’un côté, qui n’a besoin de stocker ses albums photos, ses vidéos, ou, encore mieux, son génome complet pour quelques milliers de dollars ? Quelle entreprise peut se prétendre, sans rire, indépendante d’un besoin de stockage d’information ? De l’autre, le téraoctet est à prix très démocratique de nos jours…

En plus de cette abondance sans précédent, tant dans les moyens de stockages que dans les formes de production de données, les individus ont récemment développé la manie toute particulière de divulguer des informations plus ou moins personnelles en grand nombre à qui veut bien les prendre : l’explosion des sites sociaux, des plateformes de stockage et diffusion de données privées en est une preuve indéniable.

Autrement dit, non seulement les gens peuvent stocker des informations plus facilement, non seulement ils peuvent les produire plus facilement, mais en plus, ils font absolument tout pour les diffuser largement.

facebook : The Product Is You

Dès lors, se poser la question, maintenant, de savoir si le fichage complet, total et permanent de la population va avoir lieu prend une tournure délicieusement surannée : dans les faits, tout le monde est fiché et tout le monde fiche tout le monde.

La limite évidente est dans l’appropriation et la centralisation des données qui flottent un peu partout sur Internet.

En effet, lorsqu’une compagnie privée collecte les données que vous lui remettez, elle ne vous force pas à émettre ces données et vous laisse la possibilité d’arrêter ce stockage quand bon vous semble. Évidemment, la facilité de copie et de diffusion de cette information laisse peu d’illusion à celui qui voudrait les faire totalement disparaître. Mais techniquement, il reste encore possible de se soustraire à cette collecte là.

En revanche, la collecte d’informations effectuée par les administrations pour le compte des États n’est pas négociable. Il vous est impossible de vous retirer des fichiers de la police ou du fisc, par exemple (tentez le coup, pour voir). Par nature, l’État est même la première entité qui cherche à collecter des données au moins sur le cheptel d’individus dont il a la charge, et tous les autres individus aussi s’il le peut ; le dernier exemple en date provient par exemple de la contestation des PV… D’ailleurs, l’invention des statistiques et leur utilisation est la conséquence historique logique et inévitable de cette compulsion à vouloir absolument tout savoir sur tout le monde.

Snoopy écrit au fisc

Il faut se résoudre à l’évidence : peu importe la force des protestations qui se font entendre lorsqu’on apprend que, tous les jours, de nouvelles infrastructures étatiques se mettent en place pour nous espionner, le fichage avance, de plus en plus vite et de plus en plus précisément. Et non seulement, l’État fiche, classifie, et analyse, mais il le fait sur des critères de plus en plus larges : ainsi en France le simple fait d’exister aboutit à la création d’une fiche de renseignement, quelque part, que l’État pourra utiliser à n’importe quel moment.

Le danger, évidemment, est là : on ne voit pas par quelle force les individus pourront s’opposer à ce que l’État fasse finalement exactement la même chose que ce que tout le monde fait, le reste du temps, à son échelle. Pire : l’Etat n’aura sans doute bientôt plus besoin de mettre en place ses propres moyens de surveillance ; le précédent lien sur la mise en place, par la NSA, d’un nouveau centre d’espionnage est déjà presque vieillot : d’une part, on voit mal comment un centre pareil peut rivaliser avec le demi-million de serveurs que Google compte, à lui seul. Et à partir du moment où chaque individu est référencé (d’une façon ou d’une autre) dans des centaines de bases différentes, la recherche d’information pour une personne particulière revient essentiellement à une question statistique : comment extraire les données pertinentes de ce flot immense ?

Devant ce constat, il semble logique que l’étape suivante sera l’arrivée de programmes sophistiqués qui feront, à partir de cet océan de données, la cartographie comportementale complète de tout individu décidé suspect par l’administration étatique. Il n’est probablement pas loin le moment où l’on pourra se retrouver devant des juges pour un fait pas encore commis, mais dont l’occurrence future sera considérée comme “statistiquement évidente”. Et si vous pensez “Minority Report“, vous n’êtes pas loin du compte à ceci près qu’il n’y aura nul besoin de mutants et de précognition, mais une “simple” batterie d’ordinateurs, nombreux certes, mais ni magiques, ni mutants.

Il faut se résoudre à l’évidence : vous, comme moi, sommes donc déjà fichés.

fichageMais devant cette perspective qui met mal à l’aise, il y a cependant une bonne nouvelle : ce qui est vrai pour vous le sera, inéluctablement aussi, de ceux qui vous fichent. Petit à petit, de la même façon qu’il est possible aux politiciens de tout savoir sur un individu, il est de plus en plus facile de tout savoir sur les politiciens, et à un prix de plus en plus compétitif, et c’est tellement vrai qu’ils en prennent à leur tour conscience : des citoyens informés de toutes leurs facettes, ce sont des citoyens bien moins enclins à gober leurs déclarations. Ce sont des citoyens qui doutent ouvertement et découvrent le décalage entre les discours et la réalité (on n’aime pas les riches, mais on en est volontiers un).

Eh oui : plus les politiciens demandent de la transparence, du fichage et des informations sur les autres, plus grand est le risque qu’ils se retrouvent aussi fichés, analysés, étudiés par les autres à leur tour. Et l’analyse comportementale, utilisable pour détecter un prochain divorce ou le terroriste qui sommeille en vous, devient alors aussi l’arme de vos adversaires politiques et des citoyens eux-mêmes pour vous déboulonner.

Oui, à n’en pas douter, la société qui s’annonce promet d’être fondamentalement différente de celle que nous connaissons maintenant : qui, en effet, déterminera les critères qui déclencheront les alarmes de ces programmes d’analyse ? Ne risque-t-on pas / n’aurons-nous pas la chance de voir ces programmes déterminer les seuils par pure émergence statistique ? Quelle sera la quantité de libre-arbitre qui nous sera octroyée dans cette nouvelle société, ultra-connectée et ultra-analysée ?

Je n’ai pas la réponse à ces questions, mais il me semble cependant indispensable de se les poser.

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Commentaires48

  1. David Brabant

    “on est passé d’un monde où la rétention d’informations coûtait cher à un monde”

    Je mettrais une virgule après cher sinon ça confusionne un peu à la première lecture de la phrase.

  2. Emma

    Excellent billet traité avec finesse et lucidité. Sa conclusion est très pertinente : qui “déterminera les critères qui déclencheront les alarmes” ?
    Pour ma part, je laisse traîner le moins d’infos possible sur Internet mais une adresse IP est comme une empreinte digitale, elle est indélébile et reconnaissable entre toutes.

    1. Whynot

      C’est faux. Une adresse IP, ça ne fait que révéler le propriétaire d’une extrémité d’un bout de ligne au moment où elle est utilisée (soit pas grand chose, peu importent les gesticulations de ceux qui voudraient faire admettre que l’on “ne peut pas laisser l’internet sans règle” ; les règles, c’est mignon, mais quand celles qu’on impose vont à l’encontre des règles de la réalité, tout ce qu’on finit par avoir, c’est avoir l’air d’un con).

      Rien, absolument rien, ne garantit, que le propriétaire de cette extrémité est la même personne que celle utilisant la ligne (sauf en Corée… du Sud ; où il faut apparemment se servir de la puce cryptographique de sa carte d’identité pour poster sur les forums, blogs et autres sites nationaux, si ce que j’en ai entendu est vrai ; et encore, une carte d’identité, ça se vole, et au pire, un code PIN peut se faire avouer). Déjà que, hors adresses IP fixes (une large majorité des adresses étant octroyée par des baux dynamiques), il est loin d’être évident de dire assurément que, à un instant “t”, telle IP représentait tel abonnement…

      Sinon vous pouvez parfaitement:

      – faire du routage en oignon (faire passer votre connexion par un tas d’intermédiaires, en cryptant chaque étape – seul le noeud de sortie sera facilement identifiable ; et tous les pays n’étant pas comme la fRance, qui rend le propriétaire de l’abonnement responsable de l’usage qui en est fait, les noeuds de sorties conciliants, ils sont tout à fait abondants)

      – passer par un VPN (vous donnez quelques piécettes à quelqu’un en échange de son “empreinte” ; choisissez un intermédiaire dans un pays qui, s’il pourra toujours forcer le prestataire à révéler votre “identité” IP, ne pourra pas venir vous chercher des noises là où vous êtes actuellement, par exemple par la non-extradition des ressortissants)

      – passer par un proxy gardien (qui refusera de télécharger toutes les conneries de cookies et autres singeries permettant un profilage par recoupage)

      – utiliser Internet à partir d’un hotspot (il suffit de payer en liquide, ou au pire, de casser les moins que minables protections qui équipent la très large majorité des émetteurs WiFi, y compris la plupart des WPA1)

      – cumuler toutes ces mesures, et même deux ou trois autres (comme utiliser des ordinateurs différents, votre machine pouvant être profilée à partir de sa version de navigateur, de ses plugins, de son système d’exploitation, de sa carte réseau, … ou sinon, le transformer en chambre stérile avant d’ouvrir la boîte de Pandore ; changer sa syntaxe, si l’on poste des messages, peut aussi rendre le profilage plus difficile).

      Être VRAIMENT anonyme sur Internet, c’est un jeu d’enfant (d’enfant un poil éveillé, tout au plus). Certes, avec un État mondial, de fait ou suite à accords parcheminés, ça deviendra peu à peu plus ardu, mais pour l’instant, ça reste très très simple.

      Sur un point, pourtant, vous avez on ne peut plus raison : comme tout ce qui concerne le domaine des idées, la meilleure manière de garder secrètes des informations, c’est encore de les garder pour soi, et soi seul (ce qui, chez un animal social, socialiste ou pas, peut sans doute parfois demander des efforts). Choix que l’on n’a hélas pas avec les fouille-merdes étatiques, contrairement à ce qui concerne les autres hordes de renifleurs de culs.

        1. jmdesp

          En général, la version exacte de navigateur utilisée, avec les diverses extensions qui laissent trainer des marques à droite et a gauche, + divers cookies qui trainent dedans, suffisent pour identifier exactement une personne, quand on a le niveau de compétence adéquate.

          Suite à la publication d’un papier assez atterrant sur le sujet, Mozilla a essayé à un moment de faire un effort pour d’améliorer Firefox sur ce point, mais pas avec un énorme succès.
          Au départ, ils avaient réellement envie de corriger cela, et puis à la fin, ils se sont heurté à plein de difficultés, ah mais arrêter d’envoyer la version exacte de l’OS, de l’update de navigateur, va casser ceci, cela, et je crois que ça n’a pas vraiment donné grand chose.

          Bref, cacher son IP, ce n’est vraiment que le premier point. Il faut aller beaucoup plus loin pour être réellement discret, les modes de navigation privée peuvent aider, mais pas non plus être une solution définitive.

        2. Whynot

          D’où l’intérêt d’un proxy gardien, comme privoxy, pour éviter de trop en raconter sur soi (on peut tout à fait l’installer sur le même PC que celui dont on se sert pour naviguer).

          Le profilage dû à l’OS ou au matériel eux-même (taille des paquets typique de tel ou tel OS, identifiants des cartes réseaux, et cie) est aussi un sujet délicat (mais il y a toujours des solutions, pas forcément que techniques).

          De toute façon, tout dépend de l’organisation dont vous craignez la surveillance. Et forcément, selon que vous souhaitiez accéder à une resource simplement bloquée dans votre zone géographique (comme de nombreux contenus VOD et cie), ou que vous fuyiez les Chinois du FBI, l’escalade aux moyens ne sera pas la même.

          En même temps, si vous fuyiez les Chinois du FBI, il y a quand même des chances pour que, s’ils vous en veulent, c’est que, vous aussi, vous avez un minimum de moyens et d’organisation… Enfin, pour l’instant.

      1. Ne confondez pas “anonymat sur internet” et absence de fichage. Vous avez un compte en banque, un provider internet, un GSM dans la poche, une voiture, une télé ? Vous êtes fiché.

        1. Whynot

          Oui, c’est ce que je dis justement dans le dernier paragraphe.

          “Avec les fouille-merdes étatiques”, rien à faire. Mais pour ce qui est d’Internet, on peut encore l’utiliser parfaitement anonymement, contrairement à ce que croit Emma (et si des crétins comme ce traîne-cul de Merah arrivent à s’y faire choper, rien d’étonnant – puisque ce sont des crétins).

          Succomber à la croyance contraire, en admettant qu’on laisserait déjà invariablement des traces de NOS activités, quoi qu’on fasse (ce qui est faux : les moyens d’identification permettent de tout identifier, sauf la personne qui s’exprime, justement, pour peu qu’elle souhaite l’éviter), c’est se fermer tout seul l’une des seules portes qui restent.

          Fiché, oui, je le suis déjà pour beaucoup-beaucoup de choses, comme tout le monde. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Raison de plus pour ne pas considérer foutu ce qui a justement le rare bon goût de ne pas encore l’être.

      2. YP

        “Une adresse IP, ça ne fait que révéler le propriétaire d’une extrémité d’un bout de ligne au moment où elle est utilisée”

        Pour l’instant oui, mais avec IPv6, on saura même quel device s’est connecté à quoi/qui et avec l’analyse de paquets on a une idée de quel sujet on a traité… Enfin, la croissance exponentielle des capacités de stockage limite encore un peu la durée de conservation légale, mais combien de temps avant que ce stockage puisse techniquement devenir permanent (cad à vie) ? 10 ans ?

        1. Whynot

          “avec IPv6, on saura même quel device s’est connecté à quoi/qui”

          À quoi, oui. À qui, non, justement.

          Même en nous foutant une puce dans le cul, ce qui peut être fait peut être défait. Ce qui est peut être mis peut être démis – et remis ailleurs. Si quelqu’un m’assomme, prend la puce dans mon fondement et se la glisse dans le sien, puis va égorger quelqu’un, ça va être ma faute ? J’aurais dû mieux serrer les fesses ?

          La considération par défaut qu’une IP égale une personne, c’est à peu près aussi idiot que de considérer qu’une personne égale une autre personne. Que si ce n’est moi, c’est donc mon smartphone, mon PC, mon abonnement Internet, ou mon poisson rouge. Faute de pouvoir punir des circuits imprimés, pourquoi devrais-je trinquer ?

          Ils peuvent franchir toutes les lignes qu’ils veulent dans le contrôle d’Internet (ou de la route, ou du reste), le franchissement de celle-là est d’une toute autre importance que la plupart.

          Même en surveillant moins qu’aujourd’hui, à partir du moment où est accepté un critère aussi stupide pour désigner des coupables arbitraires de fautes non moins bidones, hop, le voilà, le système de persécution instituée. Dans le fond, il n’en faut pas plus : IPv4, IPv6, IPoAC (si on trouve normal de condamner celui qui a un sac de graines à pigeons identiques à celles qu’on a retrouvées dans l’estomac de la bête), peu importe.

          À partir de là, on n’est plus dans la condamnation d’un méfait commis, mais dans la chasse au coupable, peu importe qui, peu importe de quoi. Alors, OK, oui, c’est bien le but. Et c’est justement pour ça, qu’il vaut mieux éviter, en cerise sur le gâteau, de trouver la méthode raisonnable et fondée, puisque pour commencer, elle ne l’est même pas ; ce qui devrait suffire à couper court toute suite au reste du débat, pas moins idiot (parce que bon, quelle drôle d’idée, à la base, quoi que le motif puisse être, de se faire mettre des puces dans le cul, ou plus généralement, de se le laisser renifler par ceux que ça excite ; en l’absence de “fetish” particulier, s’entend).

        2. Sanksion

          A ce propos, si je laisse la porte de chez moi ouverte au premier venu, je ne vois pas en quoi je serais responsable de l’utilisation du hardware qu’ils pourraient trouver sur place.

          Depuis quand laisser sa porte ouverte est un crime ?

        3. Whynot

          Si vous laissez passer n’importe qui dans votre jardin ; si un voleur y passe ; si les chiens qui lui courent au cul l’y perdent ; et si alors, les chiens ne trouvent rien de mieux à faire que de vous mordre le votre, de cul… c’est sans doute qu’ils ont été dressé pour mordre des culs, et certainement pas pour arrêter les voleurs.

          Pour régner, l’État à besoin de soumettre. Et il est plus facile de soumettre quelques uns en faisant croire aux autres qu’on les protège (même mafieusement), que de soumettre tout le monde avec l’approbation de personne. C’est pour ça qu’il faut des coupables ; qui, de quoi, peu importe.

          Il n’y a pas davantage de raison à chercher dans les régimes de terreur : des culs à mordre pour l’exemple, des chiens enragés pour les mordre, et des masses de jean-foutres prêts à nourrir les molosses et à applaudir leur chasse, par peur d’être les prochains à se retrouver les miches en sang.

          Et tant qu’assez de gens se disent “personnellement, je n’ai rien à me reprocher et ça ne me dérange pas qu’on me renifle le cul si c’est un autre qu’on mord”, comme déclamé plus bas… ça n’est pas près de s’arrêter.

          Ne pas se faire mordre le cul, c’est déjà une chance.
          Se le faire renifler, c’est un honneur.
          La liberté, c’est l’esclavage.
          Le cynisme, c’est fait pour les chiens.

          NB: j’aime beaucoup les chiens, sauf ceux qu’on a dressé à me mordre le fion.

      3. Emma

        Merci Whynot de vos développements sur cette affaire d’anonymat sur internet. il faudra que je potasse le truc du ‘passer par un VPN’ forcément à l’étranger si je comprends bien.
        Décidément h16, vos commentateurs ont aussi du talent.

  3. Joe

    Enfin, il est toujours (et il sera toujours possible) de surfer anonymement, de ne pas divulguer d’information qu’on n’aimerait pas retrouver ailleurs, et de crypter l’ensemble de ses échanges.
    A mon sens, nous allons voir en parallèle de la montée du fichage une augmentation des moyens de cryptage et d’anonymisation.

  4. Higgins

    Billet très intéressant qui touche à une valeur fondamentale: la liberté individuelle.

    “Ne risque-t-on pas/n’aurons-nous pas la chance de voir ces programmes déterminer les seuils par pure émergence statistique ? Quelle sera la quantité de libre-arbitre qui nous sera octroyée dans cette nouvelle société, ultra-connectée et ultra-analysée?” J’ai bien peur, qu’en la matière, la bataille ne soit déjà perdue. J’ai eu l’occasion de travailler assez récemment avec le logiciel SPSS (http://fr.wikipedia.org/wiki/SPSS) sous la houlette d’un professeur de statistique assez remarquable (c’était au Québec). J’ai été enthousiasmé par les performances de ce produit et par les perspectives qu’il offre. Le revers de la médaille est que ce logiciel, et ses multiples applications, nous montrent de façon assez abrupte, que notre prétendu libre-arbitre est finalement assez peu de choses tant nous sommes conditionnés par notre entourage, nos origines, notre culture personnel, etc… Pour citer un exemple, les tickets d’achat que peut recueillir une chaîne d’hypermarchés permettent, une fois traité par ce type de logiciel, de classifier l’ensemble de de la clientèle en famille type envers lesquelles il est alors possible de proposer des offres adaptés. Il serait surprenant que le monde politique ne fasse pas les choux gras de telles applications en particulier en période électoral. Quant à l’Etat, c’est proprement terrifiant même si des gentils organisateurs nous assurent, çà et là et la main sur le cœur, que les fichiers ne seront jamais croisés (Fontaine, je ne boirai pas de ton eau) et que, si par le plus grand des hasards, ce serait le cas, ce serait circonstanciel et avant tout pour notre bien et notre sécurité. La messe est dite quoiqu’on fasse et pense.

    1. Pandora

      Mais non, la messe n’est pas dite : la CNIL veille !
      Quoi, ce sont de vieux croutons non élus qui partagent un fromage ?
      Vous délirez, ça n’existe pas en fRance !

  5. Pandora

    Personnellement, je n’ai rien à me reprocher et ça ne me dérange pas d’être fichée si l’État s’en sert à bon escient.

    Voilà la limite : les statistiques ne sont utiles que si les paramètres définis pour un phénomène donné sont efficients. Qui peut déterminer s’ils sont corrects ? Le Droit ou plutôt la Justice.

    Hélas !
    La Justice est-elle indépendante du pouvoir exécutif en France ? Non.

    La voie est donc ouverte à toutes les formes d’inculpation arbitraire de la part d’un bureaucrate avide de gloire et de notoriété.

    1. flandrin

      Conclusion : vous avez certainement des choses à cacher, au bout du compte (à cacher à un « bureaucrate avide de gloire et de notoriété », à cacher à un Etat malveillant etc.).

    2. “Personnellement, je n’ai rien à me reprocher et ça ne me dérange pas d’être fichée si l’État s’en sert à bon escient.”

      Ouch. 1/ On n’aura jamais l’assurance qu’il s’en sert à bon escient, 2/ vous croyez n’avoir rien à vous reprocher, mais c’est juste une question d’ignorance. Si on veut vous reprocher qq chose, c’est assez facile de trouver.

      1. bibi33

        Ce n’est pas parce que vous n’avez rien à vous reprocher qu’il en va de même pour les hommes de l’Etat, et surtout qu’il en sera toujours de même.

        C’est le problème du fichage c’est qu’il perdure dans le temps, et que les lois change.

        Et qui sait un jour prochain on vous reprochera peut-être d’avoir été d’accord avec les thèses néo-ultra-turbo-libérale de notre hote.

    3. RTP

      Ou plus simplement d’une erreur administrative qui forcément se présentera un jour tant on adore avoir une administration grasse. Vous vous appelez bien Archibald Buttle ?

    4. Pandora

      Je ne me suis mal fait comprendre : en théorie je n’ai rien à me reprocher (je suis en conformité avec la loi) mais en pratique n’importe quel fonctionnaire pourra me trouver des poux.

    5. Théo31

      “si l’État s’en sert à bon escient.”

      Vous expliquerez aux descendants des cent millions de morts du communisme qu’ils l’ont été à bon escient.

      Les enculés qui nous gouvernent ne manquent pas d’imagination pour inventer des crimes imaginaires.

      1. Pandora

        En théorie, la Justice est censée nous protéger de tels abus.

        Mais en pratique, le manque d’indépendance entre elle et le pouvoir exécutif, surtout en fRance, peut nous faire craindre toutes les décisions arbitraires.

    1. Evidemment, que ça coince 😉 Mais ça ne pourra pas coincer longtemps, partout et tout le temps.

  6. Before

    Une petite erreur :
    “l’État est même la première entité …/… sur le cheptel d’individus dont il a la charge” ==> “le cheptel d’individus dont il EST la charge” 🙂

  7. Stéphane

    Les statistiques ne sont que des données, leur valeur ne vient que du talent avec laquelle on les emploie.

    Connaissant la grande compétence de l’Etat pour tout ce dont il s’occupe, pas grand-chose à craindre. L’idée que le pékin moyen doive lui-même apporter des documents issus de la même administration (!) d’un guichet à un autre à la moindre démarche est à mon avis assez parlante.

    En termes informatique, cela revient à confier toutes les informations importantes à la partie la moins fiable (le “client” dans un échange client-serveur) et qui a le plus de motivation à altérer ces données. Bref, c’est de l’Epic Fail.

    Bien sûr, le tombereau de lois de fichage qui nous tombera dessus sera forcément contraignant. Et quelle rigolade lorsqu’il faudra faire rectifier une erreur!
    Mais en termes d’efficacité, ce sera le grand vide. A chaque fois, comme dans le cas de l’islamiste de Toulouse, on fera les recoupements après et tout sera clair, mais une fois qu’il est trop tard… Bref, on réagira à posteriori avec des “ah si on avait su”.

    Il y aura aussi tous les gens qui brouilleront un peu les pistes et qui donneront du fil à retordre à nos chers surveillants. Bref, connaître le taux de pénétration du gène XYZ qui favorise le cancer dans la population à 50 ans, ça viendra peut-être, mais arrêter M. Duschmoll qui “s’apprête statistiquement” à commettre un crime, laissez-moi rire…

    La partie sur les politiciens est en revanche rigoureusement exacte et a déjà commencée. 😀

    1. gem

      Optimiste. L’inefficacité ne nuit pas à l’administration, au contraire elle lui permet de réclamer toujours plus de moyens. Le client n’est pas fiable ? bien sur, et d’ailleurs l’administration le sait. Et c’est pourquoi pour prouver que tu es français, maintenant, il faut prouver que tes parents, et les parents de tes parents, et ton ex-conjoint, et les parents des parents de cet ex, l’était (si, si, authentique : on ne sait jamais, des fois que l’ex aurait été de nationalité étrangère et que tu ais alors choisit de renoncer à la nationalité française par le mariage %P ; dans le cas que je connais le con de la préfecture s’est demandé s’il ne devait pas aussi vérifier si l’ex n’avait eu auparavant un autre conjoint étranger, mais il a renoncé, on ne sait pourquoi …)

    2. gem

      et si tu doute encore du talent de l’état pour user des statistiques pour faire chier un max, n’oublie pas l’INSEE et tout ce que l’état arrive à faire de rigolo avec (inflation, SMIC, chômage, riches et revenus, etc. ). Et si les chiffres de base ne sont pas fiables, c’est encore mieux, comme te le dirait tout spécialiste en décompte électoral…

  8. kerlu

    Nos politiciens commencent actuellement à demander un “droit à l’oubli”. Quelque chose me dit qu’il ne concernera qu’eux mêmes. Il sera très difficile de l’obtenir pour le citoyen lambda et très facile pour eux…

    1. Calvin

      A défaut du “droit à l’oubli”, je crois que nos politiciens actuels, il faut les oublier. A tout jamais.

    1. Calvin

      Si, si : ton imagination, ton esprit, tes rêves.
      On est presque dans “Minority Report”, mais pas encore dans “Inception” !!

  9. Hussardbleu

    C’est, j’en suis presque certain, Fouquier-Tinville qui avait dit “donnez-moi dix lignes de n’importe qui, et je me fais fort de le faire guillotiner”…

    Nous n’avons plus de guillotine pour l’heure, sinon sèche, mais le politiquement correct nous assure que la conviction de ce brave homme est toujours d’actualité, avec le fichage Internet : personnellement, je n’ai pas de compte Twitter (j’aime bien le sens anglais de “twit”) ni Facebook…

    Se connecter à Hashtable, évidemment… c’est la preuve que l’on pense assez mal, mais ce n’est pas (encore) cas pendable…

    Et puis… ce pays est foutu, de toutes façons, ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre… Vous vous rappelez la chanson des Who “won’t get fooled again” ? prophétique….

    1. Calvin

      “Se connecter à Hashtable, évidemment… c’est la preuve que l’on pense assez mal, mais ce n’est pas (encore) cas pendable…”
      Bah, moi, quand les milices roses-vertes débarqueront chez moi pour me dire ce qu’il faut penser, je leur dirai que je me suis juste renseigné sur l’ultra-néo-turbo-libéralisme sur hashtable. Je leur dirai que je n’ai pas mangé le moindre enfant communiste. Que les bras m’en sont tombé de lire tant d’outrages.
      Pis, mes commentaires sont insipides, je ne risque rien !!!

      1. something

        “les bras m’en sont tombé de lire tant d’outrages.”

        Le même type de pirouette a permis de faire publier quelques ouvrages peu recommandables dans l’ex-RDA. Il fallait que les braves prolétaires puissent se rendre compte par eux-mêmes des horreurs qui se passaient à l’Ouest et il y avait un avertissement au début du bouquin. On doit pouvoir en dénicher encore chez les bouquinistes berlinois.

  10. Pascale

    “””Il n’est probablement pas loin le moment où l’on pourra se retrouver devant des juges pour un fait pas encore commis, mais dont l’occurrence future sera considérée comme « statistiquement évidente »”””
    Afin que notre République prenne soin de nous, nous protège et élimine tous les risques auxquels nous pourrions être exposés ….

    1. breizh06

      “Il n’est probablement pas loin le moment où l’on pourra se retrouver devant des juges pour un fait pas encore commis”

      Mais c’est déjà le cas aujourd’hui !

      On peut dès aujourd’hui, pour des faits PAS COMMIS, juste PROVOQUÉS, et sur des sujets “VRAIS OU SUPPOSÉS” se faire condamner:

      Code Pénal Article R625-7:
      La PROVOCATION NON PUBLIQUE à la discrimination, … à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de … leur appartenance ou de leur non-appartenance, VRAIE OU SUPPOSÉE, à .. une nation, .. est punie de l’amende prévue pour …

      1. Pascale

        Mais je crois que VRAIE OU SUPPOSÉE s’accorde avec “leur appartenance ou de leur non appartenance” et non pas avec PROVOCATION NON PUBLIQUE.

        Ceci dit, cela signifie que même dans le domaine privé on ne peut pas choisir librement ….

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