Bac + 5, Orthographe – 10 : la terrible diplômosclérose française

Les études – PISA notamment – se suivent et indiquent toutes la même chose : le niveau des élèves français continue de sombrer.

Que ce soit 2007, 2010 ou plus récemment, 2023, ces colonnes ont été l’occasion de noter la contre-performance du système scolaire français sur les 20 dernières années : alors que les budgets du ministère chargé de nos chères têtes blondes n’ont cessé de croître, et que le montant consacré par élève aussi – alors même que le nombre total d’élèves, lui, diminue petit-à-petit dans le premier degré, les résultats des enfants (à l’arrivée en 6ème) et des adolescents (au sortir du collège) n’a pas cessé de dégringoler, et de le faire de plus en plus vite.

En 20 ans, le budget de l’Éducation est passé d’environ 100 milliards en 2000 à plus de 190 en 2025 : en somme, on a augmenté les moyens et surtout produit des médiocres, et ce malgré de nombreuses études (Rapport Coleman (1966), méta-analyses d’Eric Hanushek, étude du Mackinac Center ou de l’OCDE) montrant une corrélation faible entre les moyens financiers et l’efficacité d’un apprentissage.

La tendance était connue et les années passées, des articles récurrents s’inquiétaient de la présence d’étudiants à l’orthographe de plus en plus hésitante sur les bancs de facultés pour lesquelles l’écriture en français compréhensible n’est pourtant pas facultative (le Droit par exemple). Bien qu’inquiétante, cette tendance était pour le moment considérée comme marginale et ne concernant qu’une petite poignée d’individus presque analphabètes, manifestement bénéficiaires d’un baccalauréat un peu trop facile à obtenir.

Les choses sont cependant en train de tourner au vinaigre à mesure que cette proportion d’élèves illettrés croît de façon alarmante. À tel point que certains professeurs directement concernés s’en ouvrent directement dans quelques articles de presse, et pour eux, le constat est sans appel : on peut parler d’un « véritable effondrement ».

Et alors que la proportion de jeunes adultes diplômés du supérieur en France n’a cessé d’augmenter, même en prépa et avec une grosse majorité d’élèves avec une mention « très bien » ou « bien », des professeurs témoignent retrouver « des copies de six pages qui contiennent 60 à 70 fautes ». Pour ces derniers, on observe « une nette dégradation depuis trois ou quatre ans ».

Pour les professeurs concernés, la cause du mal est à chercher dans l’abandon de l’exigence de la grammaire et l’orthographe de la part des élèves : assez logiquement, comme les cycles primaires et secondaires ont renoncé à imposer une grammaire et une orthographe correctes aux élèves, ces derniers ne se donnent plus autant de mal qu’avant pour rester lisibles et compréhensibles. La disparition progressive des dictées, la réduction de la taille des devoirs écrits et l’amoindrissement de plus en plus marqué des exigences de syntaxe et de cohérence d’ensemble sont autant de facteurs qui ont favorisé un véritable laxisme orthographique et grammatical, qui s’est mué en habitude pour les élèves lorsqu’ils passent dans les études supérieures.

Le problème, c’est qu’une absence de rigueur au niveau de la forme entraîne bien souvent un amoindrissement de la rigueur au niveau du fond. Rapidement, alors que l’orthographe et la grammaire se délitaient, les raisonnements sont devenus de plus en plus simplistes, voire bateaux. Les poncifs s’enchaînent et la pensée de l’élève devient de plus en plus brouillonne. Petit à petit, par manque de vocabulaire, par manque d’exigence orthographique, par délitement grammatical, les élèves ne savent plus ni écrire, ni s’exprimer, ni même tenir un raisonnement décent.

Devant ce constat effarant, les autorités semblent vaguement comprendre qu’il va falloir se reprendre. Apparemment, cela passerait par un baccalauréat plus sévère : ainsi, pour la session 2026, les règles se durcissent en supprimant la possibilité d’un repêchage en dessous de 8 sur 20. Mieux encore, l’actuel ministre de l’éducation souhaite également que les professeurs aient des consignes d’exigence claires, avec, par exemple, la sanction de toute copie qui ne serait pas écrite de manière intelligible. Pour le ministre, une telle copie, avec « un niveau d’orthographe, de syntaxe et de grammaire absolument déplorable, ne peut pas avoir la moyenne ».

Compte tenu de la façon dont les élèves pleurnichent chaque année sur des examens trop difficiles ou trop sévères, on peut raisonnablement douter que ces nouvelles consignes seront effectivement appliquées pour la session 2026. Et donc, même si la prise de conscience est là, même si les autorités semblent vouloir aller dans la bonne direction, la distribution de diplômes en carton va probablement continuer…

Distribution d’autant moins pertinente que, dans le même temps, un nombre croissant d’entreprises renonce à utiliser les diplômes pour recruter leur personnel : pour ces dernières, il apparaît en effet qu’un poste dépend plus des compétence qu’une affaire de diplôme, et qu’un candidat, même avec des diplômes peu adaptés ou inexistants mais aux compétences démontrables est finalement plus intéressant qu’un diplômé aux compétences encore à acquérir…

Cette tendance est déjà clairement en cours outre-Atlantique, où s’accumulent les entreprises qui expliquent pivoter clairement d’un recrutement basé sur les diplômes à un recrutement basé sur les compétences : alors qu’un nombre croissant de candidats peut présenter un diplôme de l’enseignement supérieur, les entreprises comprennent que ces diplômes ne garantissent plus autant qu’avant certaines compétences minimales qu’elles recherchent et modifient leurs critères d’embauche en conséquence. Du reste, c’est maintenant une façon officielle de procéder chez certains grands noms de la tech comme Google ou Amazon qui ont leurs propres « examens » permettant d’évaluer au mieux les candidats, indépendamment de leurs diplômes.

En Europe, on note la même propension à se détacher, très progressivement, des papiers officiels produits par le système éducatif traditionnel. Un récent article de presse sur la DRH de SAP expliquait justement l’accent mis sur les compétences avant le diplôme. Sans surprise, on en voit les timides prémices en France où, là encore, certains comprennent l’importance des compétences avant tout.

la France s’apprête à vivre un douloureux paradoxe o;: celui d’un pays qui n’a jamais autant vénéré les diplômes – au point que les grandes écoles et les concours administratifs incarnent encore une forme de noblesse républicaine – tout en organisant avec autant de zèle leur dévaluation, et des millions de Français bardés de titres ronflants mais incapables de rédiger une note de service.

Fidèle à elle-même, elle tentera probablement encore un peu de restaurer la façade en rafistolant les examens et en multipliant les circulaires, sans pouvoir arrêter le mouvement de fond : dans un monde où l’on n’embauche plus des certificats mais des capacités, maintenir la fiction du diplôme magique revient à tenir debout une vitrine alors que l’arrière-boutique s’effondre.

Tôt ou tard, la France devra vivre une révolution culturelle et admettre que la compétence ne se distribue pas en fin d’année mais se construit, se vérifie, et parfois s’apprend en dehors même de l’école. Peut-être alors découvrira-t-elle qu’elle n’a jamais souffert d’un manque de talents, mais d’un excès de confiance dans ses titres et que, pour sortir de sa diplômosclérose, il lui faudra cesser de confondre diplôme et savoir-faire.

Ce sera le premier vrai test… dont la copie, cette fois, devra être lisible.

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Commentaires24

  1. Aristarkke

    « la contre-performance du système scolaire français sur les 20 dernières années »
    A l’inverse de votre blog, Mgr de Cèze !
    Lui progresse !

  2. Aristarkke

    Mon gendre et sa fille, tous deux profs ednat (inutile de m’accabler, les enfants finissent toujours par vous échapper pour mal tourner, certaines fois) me disent depuis des années qu’ils ne sont plus autorisés à correcter façon old school, tellement un carnage sur les copies, ce serait : allusion à l’encre rouge qui en dégoulinerait ! Qu’alliez vous penser d’autre ?

  3. Mitch

    alors que les budgets du ministère chargé de nos chères têtes blondes n’ont cessé de croître, et que le montant consacré par élève aussi

    Je ne pense pas que les budgets AUX ELEVES ai augmenté de façon impressionnante (mais à vérifier). Pour le montant par élève c’est un des plus faible des pays de l’OCDE une fois la part des retraites du personnel de l’EdNat déduite. On notera que ce budget est à l’image du reste: une mascarade comptable qui permet de masquer le puit sans fond et la Ponzi des retraites et la priorité donnée aux gars en pantoufles devant la Pravda qui se sont tirés en vacances à 55 ans aux frais des autres plutôt qu’à l’avenir.

      1. Blondin

        Etant marié à une prof, je plussoie.
        Outre les retraités, ne pas oublier non plus, les armées invraisemblables de gens payés à autre chose qu’enseigner.
        Exemple assez ancien : Pour la Suède 7 professeurs pour un administratif, 3 pour 1 en France

    1. Theo31

      La gestion de l’Ednat est pire qu’ubuesque. On embauche des contractuels alors que des TZR sont payés a glander à la maison.

      On rappelle que l’embauche de fonctionnaires n’a pas pour objectif de délivrer un meilleur service mais d’avoir des bons électeurs le dimanche des putes.

      1. Mitch

        Les profs qui merdent sévères sont envoyés en formation pour préparer l’agrégation pour s’en débarrasser pendant … 1 an. Cette formation devrait en toute logique être réservée aux profs méritant. Autre façon de s’en débarrasser: les coller à la retraite des mois et mois avant … mais payé avec le pognon de Nico bien sur.

  4. Ryan

    Tout mon respect pour le néo-diplômé de la première photo: la lucidité même au milieu des moutons!

    Pour le fond de l’article: certains notent une nette aggravation depuis 3 ou 4 ans. Hummm, humm….je rappelle qu’il y a 4-5 ans, les clowns à roulettes en poste, ont fermé les écoles puis ont instauré les cours à distances puis requis le masque à l’école pendant plusieurs mois. N’est-ce pas la recette magique pour l’echec?

  5. Aristarkke

    « poste dépend plus des compétenceS qu’une affaire de diplôme »
    Là, Mgr, je me dois d’être rigoureux pour rester en phase avec le thème…
    Et que dire de la vignette montrant que vos bébés communistes oeuvrant dans vos ergastules ont été recrutés un peu légèrement ?
    Mélusîîîînnneu

  6. Aleph

    Super billet.

    Qu’y a-t-il de commun entre ces ministres qui se sont succédé : Jean‑Michel Blanquer ; Pap Ndiaye ; Gabriel Attal ; Amélie Oudéa‑Castéra ; Nicole Belloubet ; Anne Genetet ; Edouard Geffray ?

    Réponse : Edouard Geffray, qui était à la tête du deep state de la rue de Grenelle, tout ce temps-là, tandis que les ministres passaient. S’il est désormais ministre lui-même, c’est que Macron n’a plus personne à nommer.

    Il n’y a aucune prise de conscience de ce mauvais apparatchik sans échine, mais un n-ième enfumage, un positionnement ‘marketing’ avec quelques mesurettes (du type Blanquer = enfin un gars sérieux qui revient aux fondamentaux, etc.), et c’est tout. Par ailleurs, il est trop lié aux Fossoyeurs Malfaisants.

    Enfin, je m’étonne toujours que les Macron, avec l’une qui est prof, n’ont absolument aucune idée sur la question, que ce soit pour porter un constat ou envisager des actions.

      1. Blondin

        Parabole :

        Un prof demande à ses élèves : « qui a cassé le vase de Soissons ? »
        Mouloud s’écrie « c’est pas moi M’sieu », Benoît renchérit « oh l’autre c’est pas moi non plus », Shirley rajoute « allez vas-y, c’est toujours de notre faute ».
        Le prof, effondré, en parle à son directeur : »il faut faire quelque chose, un tel manque de culture ne peut pas durer ».
        Le directeur rédige un rapport à l’inspection.
        Miraculeusement, celui-ci arrive au Ministre. Qui décide de se rendre dans l’école.
        Il discute avec les élèves, avec le prof.
        A la fin de la visite, il donne discrètement deux billets de 50 au prof et lui chuchote « allez, 100 balles pour racheter le vase et on arrête de parler de cette histoire »

  7. Mitch

    Le problème de fond c’est qu’un diplôme devrait – en toute logique – sanctionné un ensemble minimum de compétences. Comme ce n’est pas/plus le cas les entreprises s’adaptent. Par contre culturellement les grançais sont à des années lumière de s’adapter. Le Graal reste l’intégration d’une école dite ‘grande’ (de l’immense pipo quand on voit les bras cassés qui en sorte).

  8. Grosminet

    « la distribution de diplômes en carton va probablement continuer… »
    Et c’est bien là le problème. Il faut tout d’abord revenir aux diplômes en marbre gravé.

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