Pauvre socialisme. La doctrine, déjà pas bien belle, se retrouve actuellement incarnée en France par un parti décati et fossilisé dans ses querelles intestines, et les cadres qui sont sensés porter les idéaux blumesques et jaurèsiens se tapent les uns sur les autres dans la plus parfaite zizanie digne d’un album d’Astérix. En parallèle et comme si cela ne suffisait pas, l’étau se resserre sur le petit Julien.
Or donc, l’ourson Dray semble bel et bien avoir tapé dans le pot de miel, et s’est fait choper la patte encore dedans, les babines recouvertes de l’épais liquide sucré.
Le plus surprenant, finalement, est la relative légèreté avec laquelle l’ensemble des médias distribuent l’information. Dray a, semble-t-il, quelque peu détourné des fonds, et aurait aussi bénéficié de prêts plus ou moins louches de la part d’amis financièrement très à l’aise ou en tout cas pas à 5000€ près.
La défense de Julien est relativement simple : comme il n’y a pas d’inculpation, c’est qu’il est innocent. On ne peut pas lui reprocher de rappeler un des fondements d’un Etat de Droit : après tout, il n’y a pas encore eu de mise en examen officielle. Mais ça reste tout de même bien faiblichon.
En effet, on peut tortiller les faits comme on veut, on peut assembler les tuyauteries les plus complexes pour complexifier les trajets financiers d’associations paravents vers les comptes personnels d’un élu, il n’en reste pas moins cette information consternante : le petit Julien a perçu 1 631 417 euros.
Ici, évidemment, je pourrais commencer à lui taper dessus en faisant simplement remarquer le décalage immense qu’il peut y avoir entre lui et les personnes qu’il veut représenter (la classe ouvrière et la classe moyenne, essentiellement) ou entre ses revenus et ceux des gens qu’il côtoie (plus proches de 20.000 euros que de 1.600.000). C’est vrai qu’il y a quelque chose de gentiment hypocrite à vouloir taper sur les riches alors qu’on est soi même assez loin de la pauvreté…
Mais au-delà de cette remarque, je voudrai surtout pointer le fait que ce genre d’affaires ne représente, finalement, que la partie émergée de l’iceberg.
Comment imaginer une seule seconde que les autres cadres n’en croquent pas ?
Comment imaginer une seule seconde que l’engagement dans les partis et le seul travail au sein des structures publiques et parapubliques expliquent les millions déclarés des uns et des autres lors des présidentielles ? Par exemple, Ségo paie l’ISF et on se souvient que Sarko avait mentionné près de 2 millions d’euros d’assurance vie dans son patrimoine…
Non, il n’y a pas de doute : la corruption, le détournement de fonds, les amis « qui aident » sont bel et bien présents dans cette Vème République finissante dès que des enjeux politiques existent. Evidemment, on pourra toujours me reprocher de tomber dans touspourrisme facile, mais le lecteur réfléchi comprendra ici qu’il s’agit d’une simple constatation de bon sens : pour arriver à se faire connaître de nos jours, pour asseoir son influence, il faut, par construction, se laisser corrompre.
La collusion est maintenant en effet tellement avancée entre l’Etat et les principaux grands groupes capitalistes (ou, disons, « capitalistes à la française »), les papouilles sont si fréquentes et si enamourées entre le secteur public et le secteur privé, les subventions, aides et arrangements fiscaux sont tellement inclus dans la vie de chaque citoyen français que, de fil en aiguille, nous avons tous, à un moment où un autre, bénéficié ou favorisé cet état de fait.
En réélisant des types comme Juppé, en favorisant le maintien dans la vie politique de personnages comme Dray, en adoubant de sondages ou de votes favorables des populistes et des xénophobes comme Mélenchon, ou des magouilleurs chafouins comme Pasqua, chaque Français a, un jour, favorisé la gangrène du système. Les affaires se succèdent et rien ne change alors que, pourtant, la justice passe, les citoyens votent et les journalistes font leur travail, même si péniblement et épisodiquement. Pendant ce temps, le poisson pourrit par la tête. Si les administrations et les fonctionnaires de la base sont très loin d’être corrompus, et s’ils constituent en fait ceux-là même qui ont le plus à souffrir de cette gangrène, il n’en demeure pas moins que la tête de l’Etat s’enrichit tous les jours un peu plus, sur leur dos et sur le dos de leurs assujettis.
Ainsi, on « découvre » régulièrement des affaires comme le Karachi Gate, dernière en date…
Et la raison fondamentale en est simple : chaque votant a, à un moment ou l’autre, cette croyance fermement ancrée en lui qu’il va pouvoir gagner quelque chose du système. Que ce soit par les allocations, par les niches fiscales, par les réductions de ceci ou de cela, que ce soit par les accointances et les connaissances (« Je connais le fil du député, je le connais, il me connaît, etc…), que ce soit par arrangements légaux ou pas entre les entreprises du privé travaillant pour le public ou l’inverse, tout le monde, à un moment ou l’autre, est persuadé de gagner.
La réalité, évidemment, est mathématiquement plus sombre : l’écrasante majorité y perd, seule une petite partie s’en sort plus que largement. Pour faire fonctionner le système, il faut d’un côté des incitants, des discours démagos et lénifiants, et de l’autre, l’illusion que chacun pourra y trouver son compte.
En France, la perpétuation de cette illusion par les politiques aura été portée au rang d’art délicat, et la classe politique actuelle est probablement à la fois la plus corrompue et la plus cynique que la France ait connue. D’ailleurs, le sentiment de l’augmentation de cette corruption progresse d’années en années…
La politique c’est une affaire de tripes, c’est pas une affaire de tête, c’est pour ça que moi quand je fais une campagne, je ne la fais jamais pour les gens intelligents. Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %, il y en a 3 % avec moi et 3 % contre, je change rien du tout. Donc je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse. (…) Les cons sont majoritaires, et moi j’ai toujours été élu par une majorité de cons et ça continue parce que je sais comment les « engraner », « j’engrane » les cons avec ma bonne tête, je raconte des histoires de cul, etc… ça un succès de fou. Ils disent, merde, il est marrant, c’est un intellectuel mais il est comme nous, quand les gens disent « il est comme nous » , c’est gagné, ils votent pour vous. (Georges Frêche)
La ministre de la Santé allemande au coeur d’un scandale.
Les critiques s’abattent sur Ulla Schmidt après le vol de sa voiture de fonction en Espagne. La ministre allemande de la Santé s’est fait dérobée la Mercedes Classe S qui lui sert pour ses déplacements de fonction à Alicante, une ville du sud de l’Espagne où elle passe ses vacances.
fr.euronews.net/2009/07/2…
La ministre allemande de la Santé s’est fait dérobER
Un ami ivoirien me disait : "Chez nous, la corruption, c’est un sport de masse. Chez vous en France, c’est un sport d’élite !"
Référence propice à Georges Frêche, dont les propos sont de l’or en barre.
Pas d’accord, il y a des aspects très choquants dans l’affaire Julien Dray, je vais développer..
Ah oui, je suis bien d’accord qu’il y a des aspects très choquants, mais mon propos est de dire que la corruption est devenue monnaie courante quand on y regarde de plus près. Je suis plus choqué par la banalisation de cette corruption que par le cas Dray lui-même…
Ouais, la corruption c’est mal.
engraner = gaver, en occitan.
Petit rectificatif, "il n’en reste pas moins cette information consternante : le petit Julien a perçu 1 631 417 euros" ce sont SES SALAIRES ça.
La fraude c’est qu’il a dépensé 2 087 678 euros soit ~400 000 euros de plus !
Mais "honnêtement" payer des gens 1 631 417 euros, pour qu’en une trentaine d’années ils aient creusé un déficit publique de 1 500 000 000 000 d’euros uniquement en dépense de fonctionnement, nous les français on est vraiment les meilleurs et notre "exception" française réellement "exceptionnelle".
Ces 1.6 millions sont, en partie, des salaires, et en partie des sommes perçues de différents arrangements entre amis. En tant que député, on le voit mal émarger à 130.000 euros par mois. A moins bien sûr qu’il soit gardien de foot pro en spare-time.
J’en étais arrivé à une conclusion identique quant à l’enrichissement d’une partie de nos élites politiques. Ce cher Juju semble s’être fait pincer (à moins que quelques bonnes âmes aient décidé de lui porter un coup fatal?). Admirons au passage l’hypocrite argument "Oui, mais il n’ y a pas eu d’enrichissement personnel!". Dépenser près de 400 000 euros de plus que ce que l’on a reçu, c’est pourtant bien s’enrichir à bon compte, non?
A priori, faire partie de l’élite de l’UMP de gauche (ou du PS de droite mais il y a moins d’hypocrisie) semble garantir de substantiels revenus. Je réfléchi donc à m’inscrire à ce parti afin que moi aussi, je puisse bénéficier d’une telle manne. Visiblement, le jeu en vaut la chandelle. Je suis tout aussi capable de fustiger ainsi l’arrogance des riches de ma bastide du Lubéron et de méditer sur les conditions de vie insupportable du prolétariat.
Moi je dis : ce pays est foutu !
@curieux
Les sommes perçues l’auraient été sur 3 années. Cela nous amène à des revenus mensuels proches de 50 000 euros. Il me semble me souvenir que lorsque l’affaire a éclaté, l’intéressé a déclaré que ses revenus mensuels étaient de l’ordre de 10 000 euros (10 500 ou 12 500, je ne me souviens plus) correspondant aux indemnités perçues comme député de l’Essone (depuis 1988) vice-président du conseil régional d’Île-de-France chargé de la jeunesse (depuis 2002) (source Wikipédia). Il y aurait donc un différentiel de l’ordre de 40 000 euros (sic!). Si l’on se base sur les dépenses effectuées, le différentiel est proche de 56 000 euros.
Je viens de lire le papier que Disparitus consacre à cette affaire (disparitus.blogspot.com/2… Je partage ses deux conclusions, celle quant au rôle nauséabond joué par la presse dans cette affaire et celle où il s’interroge sur les commanditaires, ou bénéficiaires, d’une telle attaque. Il n’en reste pas moins que se proclamer de gauche semble aller de pair avec un train de vie des plus confortable!
Oui, les 1 631 417 euros, sont sur 3 années mais ce sont ces revenus "reconnus", légaux quoi.
Il y a deux problèmes soulevé par cette affaire, la corruption de Dray sur environ 400 000 € en 3 ans mais surtout SES REVENUS "LEGAUX" dont voous écrivez "En tant que député, on le voit mal émarger à 130.000 euros par mois". Mais bien sur que si, la preuve
En tant que député, ils perçoivent 21.434 euros par mois (140.609 francs) :
– à titre personnel, le député empoche au moins 12.881,39 euros ( 84.501 francs)
– dont indemnités parlementaires brutes de 6.769,39 euros (incluse une indemnité de fonction de 1.340,44 euros non imposable)
– dont indemnités de frais de mandat de 6.112 euros (non imposable)
– crédits collaborateurs (1) : 8.553 euros
En tant que sénateur, ils perçoivent 21.420 euros par mois (140.518 francs) :
– à titre personnel, le sénateur empoche au moins 13.219,65 euros (86.720 francs)
– dont indemnités parlementaires brutes de 6.769,39 euros (incluse une indemnité de fonction de 1.340,44 euros non imposable)
– dont indemnités de frais de mandat de 6.450,26 euros (non imposable)
– crédits collaborateurs (1) : 6.894,51 euros
– subvention mensuelle groupe politique : 1.306,36 euros
(1) Crédits "collaborateurs" : un parlementaire peut recruter y compris des membres de sa famille (épouse, enfants, proches parents, etc…). Une bonne partie d’entre eux ne s’en privent pas !
A ces montants s’ajoutent de nombreux avantages ou «facilités» :
– frais de transport gratuits,
– téléphone et courrier gratuits,
– internet gratuit,
– frais d’hôtel remboursés 100 euros (656 francs) par jour, etc…
Ça fait beaucoup plus que 130 000 € !
Sans oublier que 50% des revenus des parlementaires échappent à l’impôt !
source costkiller.net/salaires/m…
« Ça fait beaucoup plus que 130 000 € ! »
Bah non. Ca fait beaucoup moins. A titre perso, il a touché 12K par mois, et la somme d’1.6 millions/3 ans fait 40K par mois; il y a donc un différentiel de 28K.
Et de toute façon, je ne vois toujours pas comment on peut s’endetter de 400.000 euros alors qu’on est payé par la République et comment celle-ci peut faire des millionnaires d’élus qui ne sont pas officiellement entrés dans la carrière pour les thunes, hein …
Exact, j’ai lu trop vite et pris 130 000 €/an pour 130 000 €/mois.
Mais le problème reste bien, "comment la République peut faire des millionnaires d’élus qui ne sont pas officiellement entrés dans la carrière pour les thunes, hein …
…et dont certains iront jusqu’à dire qu’il n’aime pas les riches ou préconiser le maintient de l’ISF tout en omettant de déclarer la réalité de sa fortune.
En plus bien entendu de la fraude au détriment d’association de DEFENSE de citoyens en état de faiblesse.
La vénalité des offices avait au moins pour mérite d’annoncer clairement les règles du jeu…
Elle fait terriblement peur la citation de Georges Frêche! La haine quand on lit ce genre de propos! 🙁
Je trouve quand même un peu étrange la notion d’indemnité parlementaire, pour moi une indemnité c’est un truc qui ressemblerait plutôt à un revenu plafonné pour compenser un revenu que le parlementaire recevait quand il travaillait dans le marché libre, avec éventuellement billets de train remboursés pour venir à Paris ou quelque chose comme ça. Sachant qu’une partie non-négligeable d’entre eux n’ont jamais travaillé dans le marché libre, encore de la novlangue pour ne pas dire qu’ils reçoivent un salaire quoi…
Sinon comme d’hab entièrement d’accord avec le billet, je trouve ça triste qu’on n’en parle pas assez, j’ai même presque l’impression qu’il n’y ait que h16 qui traite du sujet lol
C’est vrai que c’est très difficile de parler de "corruption" en France, parce que le mot a une connotation péjorative et ça fait penser à un truc illégal. Mais quand on lit que des élus arrosent des artistes pour avoir une petite clientèle à l’échelle local, on a du mal à considérer ça comme de la corruption parce que c’est autorisé par le Droit… En plus d’habitude y’a tout un discours qui enrobe ce genre de pratiques pour les légitimer, les politiciens sont doués pour convaincre!
Je partage aussi ce sentiment qu’on a tous l’impression de gagner avec ce système, par exemple j’ai lu que l’année dernière l’Etat avait accordé un crédit d’impôt pour les boîtes françaises de jeux vidéo afin de développer le secteur, on pourrait se dire qu’on y gagne car c’est un secteur d’avenir, mais malheureusement on y perd dans l’histoire car ce n’est qu’une mesure de balancier qui complique encore plus les rouages de l’Etat…
J’ai aussi le sentiment qu’en France ce n’est pas la "vraie" corruption qui ronge le pays mais tous ces trucs légaux prétendus "bénéfiques" et que les gens ne voient pas. C’est vrai qu’ailleurs en Afrique ou en Asie par exemple, la corruption est un vrai poison mais elle a le mérite d’être ressentie par les gens, on sait que c’est mal et immoral mais on ne peut pas se révolter car on est face à des gens qui ont du pouvoir tandis qu’ici elle est plus "technique".
🙁
Je me disais un peu la même chose (en moins bien formulé^^) à propos d’Hadopi, et au final au sujet des artistes ayant soutenu le projet;
je me demandais s’ils n’avaient pas soutenu ce projet, (en sachant qu’il allait passer coute que coûte) pour se faire bien voir par le pouvoir en place et se positionner d’ores et déjà comme défenseurs sarkosystes (en espérant ne pas être oubliés par la suite) plutôt que par conviction profonde.
Car à bien y regarder, faut dire que la loi est bidon et complètement totalitaire, ça on le sait. Mais les artistes sont-ils aussi cons pour n’y voir que du feu, ou ont-ils bien senti l’odeur de brûlé, et ont décidé de soutenir plutôt que de s’asphyxier ?…
L’illusion de la victoire, l’illusion d’être récompensé quand viendra le moment, s’il vient…