Finance et dominos

Il existe dans le monde de la finance des organismes qui se chargent de noter les opérations financières des entreprises et des états. Standard & Poor en fait partie (avec Moody’s et Fitch, notamment). En attribuant des notes à un organisme, ces sociétés de notation permettent aux investisseurs de savoir rapidement si l’emprunt qu’ils accordent à l’organisme sera remboursé, et la quantité de risques qu’ils prennent en souscrivant à ses demandes. Jusquà présent, la France est notée AAA. Pour le moment, donc, tout va bien. Pour le moment.

Avant tout, une petite description de ce que font S&P et Cie :

Typiquement, si un ménage emprunte de l’argent, le banquier va rapidement évaluer le risque qu’il prend en comparant les entrées du ménage (salaires, rentes, etc…) avec les sorties (loyers, charges, etc…) et l’impact d’un prêt avec les échéances à rembourser, avec un taux d’intérêt calculé précisemment en tenant compte des risques de ce ménage (chômage, vieillesse / maladie, …) . C’est du simple « scoring ».

S&P, Moody et Fitch, par exemple, font la même chose que ces banquiers, sur des organismes beaucoup plus gros qu’un simple ménage : ça peut être un IBM, un Microsoft, un Aventis ou un état, l’Allemagne, le Japon ou la France, par exemple. Mais le principe de base est le même : on regarde ce qui rentre, ce qui sort, les perspectives, les encours, et on fait un peu d’évaluation à court, moyen et long terme.

En fonction de la note obtenue, l’état peut emprunter plus ou moins d’argent à un taux d’intérêt plus ou moins grand (comme un ménage, tout pareil). Et comme un ménage, le taux d’endettement ne peut infiniment augmenter ; il arrive un moment où le ménage risque la commission de surendettement, et l’état, le redressement par le FMI, par exemple. Ou la faillite pure et simple.

Mais imaginons, un court instant, qu’une de ces agences de cotations décide de baisser la note de la France… Non, disons qu’elle se contente d’émettre préalablement un avis défavorable à laisser la France dans sa catégorie actuelle, AAA. Mettons, par exemple, que cette dernière juge que l’état emprunte trop, rembourse trop peu ou en prenant trop de temps, ou encore prend un risque trop grand en hypothéquant sa croissance par des remboursements trop importants.

L’agence fait simplement son travail. Pour être crédible, il faut que les investisseurs aient toujours à leurs dispositions des analyses pertinentes (d’autant plus qu’elles sont payantes) et qui leur permettront d’accorder un prêt en calculant un taux d’intérêt au plus proche du risque encouru.

Elle ne peut donc pas se permettre de prétendre qu’un état peut continuer à rembourser à 4.5% quand son endettement est déjà fort. Cette agence recommendera donc (de façon indirecte, en baissant sa note) d’accepter des emprunts mais en augmentant le taux d’intérêt, ou de n’accepter qu’un montant plus faible.

Si la situation de l’état n’est pas critique, les taux sont recalculés, et l’état peut continuer à faire de la dette. Sinon, c’est un jeu de dominos.

D’abord, les taux augmentent (en une semaine, pour la France, l’adjudication des OAT ayant lieu toutes les semaines). Comme ces taux augmentent (mettons, de 4.5% -AAA- à 7% -AA-) et que les besoins de finances, eux, ne diminuent pas aussi vite (on ne se débarrasse pas de 2.5% de fonctionnaires en une semaine, p. ex), l’état emprunte toujours les mêmes sommes, mais qui lui coûteront donc plus chères à rembourser. Ce qui accroît le risque sur le remboursement de la dette déjà émise, et des dettes futures à contracter. Rapidement, les instances payantes (Trésor Public) vont se retrouver à sec. Comme on ne peut pas envisager de ne pas payer les retraités et les fonctionnaires, on fera du « crédit fournisseur », en ne payant plus les factures des entreprises privées qui s’accumuleront alors dans un joli petit coin du ministère des finances.

Trois ou six mois plus tard et un nombre conséquent d’entreprises privées étant tombées sur le carreau, le Trésor sera effectivement vide, et… Nous revoilà en 1789.

Evidemment, tout ceci est totalement hypothétique.

S&P n’a pas dégradé la note de la France.

Pas encore.

Cependant …

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Commentaires5

  1. Etienne

    And, of course, ça sera la faute de l’ultralibéralisme, suppôt de la Bourse et des agences de notations financières du capitalisme apatride. Je sens que Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac) va finir cloué au pilori !

  2. Bertrand Monvoisin

    L’Etat face a l’accumulation des dettes enverra ses agents (fisc, répression des fraudes, douanes, inspection du travail, inspection de l’URSSAF) pressurer les entreprises privées par des redressements et des amendes énormes (tout en ayant pris le soin de rendre impossibles les voies de recours par une loi passé en séance de nuit à l’Assemblée).

    Les entreprises metterons la clef sous la porte par centaines, l’Etat désignera les coupables : les ultalibéraux. Devant la malhonnêté des pouvoirs publics les fournisseurs refuserons de livrer quoi que ce soit sans un paiement comptant, l’Etat détachera des policiers et des gendarmes pour effectuer chez les "accapareurs" des réquisitions forcés dans "l’intérêt du peuple" (qui a toujours bon dos).

    Les entrepreneurs dépôseront leur bilan par milliers pour ne pas être spoliés d’années de labeurs et d’efforts et partiront tenter leur chance ailleurs. L’Etat interdira la sortie de capitaux en parfaite illégalité avec les conventions communautaires. Quelques coupables seront ecroués, des gauchistes excités procéderont a des exécutions sommaires et à des "réappropriations prolétariennes de l’outil de travail" avec la neutralité bienveillante des pouvoirs publics. En quelques mois des centaines de milliers, peut-être des millions de Français émigreront pour échapper au Moloch étatique.

  3. C’est à mon avis un peu exagéré (pour des raisons de vieillesse de la population, notamment) mais il est probable que les grandes lignes ressemblent à ça, effectivement … D’ailleurs, quand on voit que le Fisc lance actuellement ses petits inspecteurs en nombre pour recouvrer l’impôt et redresser à tour de bras, que Bercy va débusquer les livrets A surnuméraires, et qu’il n’est plus à une entourloupe légale pour faire raquer les entreprises, on sent que l’Etat manque d’argent. Passera-t-il le mois de décembre 2008 ?

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